“Si vous écrivez quelque chose à propos d’un artiste, vous êtes vraiment tenu de faire mention du fait qu’il vient de la plus grande famille dans le milieu artistique en Amérique.” Ariel Levy, New York Magazine
Max Snow, né en 1984 et élevé à New York, a fait ses études au London College of Communications. Il est connu pour ses « photographies noir et blanc visionnaires, intimes et mélancoliques, parfois aussi dérangeantes qu’elles sont sublimes ; la beauté, le rêve, la mort, et l’abstraction sont ses thèmes récurrents. » Malgré qu’il tire ses origines de l’aristocratie du monde de l’art, ce dont il fait rarement mention (ses arrières-grands-parents étaient de grands collectionneurs d’art, John et Dominique de Menil, les fondateurs du Menil Collection museum de Houston au Texas ; sa grand-mère est la designeuse et collectionneuse d’art Christophe de Menil ; et il est le frère de l’artiste d’avant-garde Dash Snow), Max a fait son chemin à la grâce de ses propres mérites dans le monde de l’art new-yorkais.
En 2008, Snow a commencé à se faire un nom avec son premier show solo, It’s Fun to Do Bad Things (C’est amusant de faire de mauvaises choses), une collection de photographies noir et blanc qui présentent trois groupes d’extrémistes, le Ku Klux Klan dans le Kentucky et l’Indiana, les gangs latinos du centre de Los Angeles, et des musiciens de black metal en Scandinavie. Il a depuis réalisé des expositions solos à Moscou et Saint-Pétersbourg ; à la galerie Serieuze Zaken aux Pays-Bas ; et plus récemment à la Duve Gallery à Berlin.
Le photographe et maître du tirage français Laurent Girard a accepté de me le présenter après que j’ai vu les nus grand format frappants de Snow imprimés par Griffin Editions à New York.
EA : Combien y aura-t-il d’images dans votre prochain show, “100 Headless Women” (100 femmes sans têtes) ?
Max Snow : Il n’y aura que 30 images. 100 était juste un chiffre qui sonnait mieux. Il y a un élément surréaliste dans cette série donc ce chiffre est juste un exemple et ne doit pas être pris littéralement. Je pense que ce projet pourrait très bien se poursuivre. Je ne sais pas comment ou quand il se terminera.
EA : Qui sont-elles pour vous ?
Max Snow : Les sujets de cette série ont un sens fluctuant pour moi. Lorsque les visages sont cachés, le spectateur se voit présenter un nouveau scénario, qui ouvre le « portrait » à un éventail d’interprétations auquel il ne serait pas ordinairement confronté. Ce n’est plus seulement une image d’une personne ; en enlevant quelque chose, vous en faîtes quelque chose de plus. La zone vide du visage permet au spectateur de personnaliser l’image ou de s’y identifier plus facilement, comme lorsque vous écoutez une femme chanter et que vous imaginez son corps – mais dans ce cas, elle n’a généralement pas de visage, pour une raison quelconque, vous compléterez cette vision quand vous la rencontrerez, la femme de vos rêves ou votre fantasme. Elle est toujours dans l’ombre. Écoutez Maria Callas, fermez les yeux, oubliez ce à quoi elle ressemble si vous le savez, que voyez-vous alors ? Les visages sont toujours dans l’ombre dans mon esprit. Ces images vous confrontent à une autre dimension que ce à quoi les choses ressemblent, il y a d’autres émotions. Avec un peu de chance, elles vous feront vous sentir comme lorsque vous perdez l’usage d’un sens et que les autres s’en trouvent avivés à un autre niveau. Normalement, parce qu’ils recherchent une ressemblance, les gens regardent les yeux et le visage pour essayer de deviner l’histoire d’une personne. Dans ce cas, vous vous voyez dénier ce recours, donc vous devez regardez les choses différemment et leur trouver un nouveau sens, des messages qui auraient autrement été ignorés. Quand je regarde ses images, elles prennent toujours un sens nouveau pour moi. Parfois, je les vois comme de simples formes, ce que j’aime. Parfois, je peux m’identifier aux sujets de cette série parce qu’ils sont les vaisseaux qui charrient la mémoire de personnes disparues depuis longtemps ; quand on essaye de se les rappeler, leurs visages ne sont plus visibles ; ils sont flous. Il ne reste que leurs voix et vos souvenirs. Collectivement, ces images deviennent une distribution de personnages pour tout ce que vous pourriez désirer leur voir interpréter. Un événement historique qui n’a jamais eu lieu, une fable qui n’a jamais été contée, etc. Donc la réponse à cette question, pour faire court, est qu’« elles » sont en même temps tout et rien pour moi.
Elizabeth Avedon
100 Headless Women
Kathleen Cullen Fine Arts, New York.
Jusqu’au 27 avril 2012