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Matthieu Paley : Oubliés sur le toit du monde

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Dans un épais livre illustré, Matthieu et Mareile Paley racontent dans la tradition des récits de voyages leur découverte du Pamir, région isolée du Nord Est de l’Afghanistan, quasiment inaccessible en raison de sa géographie coriace et des tensions diplomatiques entre la Chine, le Pakistan et le Tadjikistan. Ces montagnes hautes et rondes, enneigées huit mois de l’année et recouvertes en été d’une herbe grasse faisant des yaks locaux les plus dodus de la région, sont la patrie ingrate et anachronique des Kirghiz, un peuple tenace et nomade d’a peine plus de 1 000 individus. A la rudesse géographique répond une philosophie brute de la vie, que les textes écrits à la façon d’un journal de route dévoilent avec une intimité qui en fait aussi un roman d’amour. Des informations historiques rédigées par l’anthropologue Ted Callahan sur ce peuple isolé et dispersé entre la Turquie, le Pakistan et l’Afghanistan au moment du coup d’Etat marxiste de Kaboul en 1978 accompagnent des photographies à la beauté crue. Les peaux rougies par les conditions climatiques sont illuminées par les tenues traditionnelles chatoyant dans cette lumière du bout du monde. Les montagnes déploient leur chaine emprisonnante dans une variation de brun, d’ocre et de blanc se mêlant à perte de vue dans des circonvolutions vertigineuses. Les photographies traduisent cette beauté quasiment vierge, cet environnement hostile, ces émotions endurcies par un climat bourru et des plans serrés documentent avec la précision de l’explorateur les conditions de vie d’une communauté méconnue. Ce contexte applique aux images une perfection quasiment caricaturale qui n’est pas celle de l’observation distante de l’étranger mais celle de l’admiration consciente et avertie. Matthieu voyage au Pamir depuis 12 ans, parle le Wakhi et chante les chansons d’amour traditionnelles pour se donner le courage de franchir les cols gelés. Il fait partie de cette famille dont les yeux bleus perçants rappellent les siens, au point d’être le père moral d’un enfant né dans les conditions difficiles de l’hiver et dont il a suivi avec angoisse la naissance laborieuse et risquée pour la mère comme pour le nourrisson. Protégé de la dictature standardisante et destructrice de la mondialisation même s’il en ressent les secousses, le Pamir est l’Afghanistan de Matthieu et Mareile Paley, loin du pays agité que les guerres et les médias s’obstinent à définir.

Laurence Cornet

« Pamir : Oubliés sur le toit du monde »
Matthieu et Mareile Paley
Préface de Roland et Sabrina Michaud
Co-édition La Martiniere / Knesebeck
256 pages, 50 euros

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