Travaillant à la frontière de la photographie documentaire et plasticienne, Mathieu Bernard-Reymond s’intéresse aux notions de production et de transformation. Sa série Transform comporte plusieurs volets : une première série, Transform : Hyper explorait les allées de supermarchés où les produits de consommation courante sont alignés et classés par typologie. La seconde série, Transform : Power, présentée ici, examine le processus de production d’énergie électrique. Débuté en 2015, ce projet – mené en collaboration avec La Chambre à Strasbourg et le Musée EDF Electropolis – est réalisé dans des centrales nucléaires et hydrauliques. Fasciné par le gigantisme et par la somme d’ingénierie nécessaire pour développer ce type d’infrastructures, Bernard-Reymond se concentre spécifiquement sur l’espace construit et les machineries qu’il montre au travers de fragments. Il documente chaque aspect de ces sites fermés au public. De l’architecture aux réseaux de tuyaux et de câbles, des instruments techniques aux choix des couleurs et des matériaux, ces éléments, tous hautement fonctionnels, captivent l’artiste.
La notion de production correspond non seulement au sujet mais aussi à la méthode de “fabrication” des images. En effet, certaines photographies sont manipulées par un algorithme, un processus qui leur fait perdre leur apparence documentaire et qui les rend de plus en plus abstraites. Les lignes droites se courbent, des aplats de couleurs apparaissent, l’échelle est chamboulée. Certains détails de l’image originale sont agrandis alors que les lignes principales de la composition sont oblitérées par l’outil informatique. Bernard-Reymond garde cependant une part de contrôle puisque les images fabriquées par le programme sont ensuite retravaillées par l’artiste pour atteindre un aspect quasi pictural. L’interaction entre enregistrement du réel par l’appareil photographique et interprétation de l’image par le logiciel se retrouvent dans l’installation conçue par l’artiste qui juxtapose les différentes images à la manière d’un collage. Bernard-Reymond nous offre ainsi un regard hybride sur le monde, ébranlant le cloisonnement habituel entre témoignage documentaire et approche plasticienne.
Nathalie Herschdorfer
Nathalie Herschdorfer est auteure, historienne de la photographie et directrice du Musée des Beaux-Arts de Le Locle, en Suisse.
Mathieu Bernard-Reymond, Transform
Du 19 février au 28 mai 2017
MBAL Musée des beaux-arts Le Locle
Rue Marie-Anne-Calame 6
2400 Le Locle
Suisse
