Après une année agitée comme une mer déchainée passée a couvrir les soulèvements du Moyen-Orient, Mathias Depardon est parti faire le tour de la Mer Noire pour renouer avec une photographie plus lyrique. Catharsis ambiguë. La poésie qui se dégage de cette déambulation de deux mois et cinq pays est râpeuse comme la région dont il a arpenté principalement les rivages. Les ciels sont dégagés mais leur horizon est grisé. Cette mer a sa lumière, de celle dont on n’a pas l’habitude sur les photographies touristiques racoleuses. Elle a son humeur, aussi, a laquelle elle doit son nom et sa réputation depuis que les premiers marchands se sont frottés a ses flots huileux. Y répondent ses habitants, qui peuplent les images de Mathias Depardon aux cotés des artefacts massifs qui jonchent ses rives dans une dramaturgie tendue. La Mer Noire est virile. Elle n’est pas le territoire des sirènes mais celui des Amazones guerrières. Mathias Depardon a donc laissé les batailles de l’actualité pour retrouver celles, moins perceptibles, des orages menaçants, d’une région controversée qui est le théâtre de tensions depuis plusieurs siècles, d’une société d’hommes, d’une économie dont les creux cassent sur une population résiliente. Sa collection de cartes postales est un parcours en escales dont il nous envoie des bribes visuelles accompagnées de légendes détaillées. Le champ est ouvert sur une route ou sur la mer dans la plupart des images, invitant a suivre son parcours improvisé qu’il prévoit d’étendre régulièrement au cours des trois prochaines années. Région délaissée, elle est pourtant au cœur d’enjeux politiques majeur qui ont depuis toujours contribué a dessiner sa culture rugueuse. C’est cette réalité complexe que Mathias Depardon a saisi avec l’acuité des mots et la mélancolie des images.
Laurence Cornet
Né en 1980 Mathias Depardon est actuellement basé à Istanbul. Après des études en communication à Bruxelles, Mathias devient photographe pour le quotidien belge Le Soir avant de débuter comme photographe indépendant. Il a concentre son travail autour de la thématique de l’immigration depuis plusieurs années mais également sur les réfugiés climatiques. Mathias est lauréat de la Bourse du Talent 2011 pour son reportage Beyond The Border. Son travail est publié dans Le Monde Magazine, Newsweek, The Sunday Times Magazine, L’Espresso, International Herald Tribune/ New York Times, The Wall Street Journal, HUCK Magazine, La Croix ainsi que Télérama. Il collabore régulièrement avec MSF, UNHCR, Amnesty International et le CICR. Ses photographies sont depuis peu incluses dans la collection de la Bibliothèque Nationale de France.
