Le Prix Canon de la Femme Photojournaliste 2013 a été décerné par l’Association des Femmes Journalistes (AFJ) à Mary Calvert (USA) pour son projet The war within : sexual violence in america’s military, sur les viols au sein de l’armée américaine. Le jury s’est réuni à Paris en juin dernier. Il était composé de : Magali Jauffret (L’Humanité), Delphine Lelu (Visa pour l’Image), Romain Lacroix (Grazia), Nicolas Jimenez (Le Monde), Andreina De Bei (Sciences et Avenir) et pour l’AFJ: Brigitte Huard, Catherine Lalanne (Pèlerin) et Florence Panoussian (AFP).
Le prix, doté par Canon, sera remis à la lauréate le 7 septembre 2013 à Perpignan, lors du 25ème Festival International de Photojournalisme Visa Pour l’Image. D’un montant de 8000 €, il est destiné à soutenir la lauréate dans la réalisation de son projet. Elle aura un an pour le mener à bien et son travail fera l’objet d’une présentation lors du festival Visa pour l’Image 2014.
Le jury 2013 a décidé de soutenir Mary Calvert (USA) pour son projet sur les viols au sein de l’armée américaine, un scandale resté tabou jusqu’à ce que quelques victimes courageuses brisent la loi du silence. The war within : sexual violence in america’s military Un projet de Mary Calvert (USA) Un nombre record de femmes ayant rejoint les rangs de l’armée américaine sont violées et victimes de harcèlement sexuel ces viols et abus en 2012, soit 35 % de plus qu’en 2011, et seulement une victime sur sept dénonce ces attaques. Victimes et témoins craignent les vengeances, la dégradation et le renvoi sous des prétextes mensongers de désordre mentaux.
Ces crimes sont la plupart du temps couverts par une institution qui dispose de sa propre police et de son propre système de justice, fermement contrôlés et où les lois civiles ne pèsent pas lourd. Les victimes sont accusées d’être folles, de mentir ou de se conduire en nymphomanes par leurs propres compagnons et gradés. Beaucoup d’entre elles doivent même continuer à servir un certain temps sous les ordres de leurs agresseurs. Elles deviennent les moutons noirs, on les évite, on les maltraite, y compris des femmes de leurs unités. Le Centre de Crise du Viol dans l’Armée estime que 92% des victimes de viols et d’abus au sein de l’armée sont au bout du compte forcées de partir.
Les effets du Syndrome Sexuel Militaire (MST) sont la dépression, l’usage de drogues, la paranoïa et un immense sentiment d’abandon. Les victimes, noyées de honte et de peur, voient leurs vies se déliter avec les années, sans que personne ne prenne en compte leurs dommages psychologiques. Elles finissent dépendantes, alcooliques, parfois sans abri et certaines mettent fin à leurs jours.
Mary Calvert est une photographe engagée et en colère : « Quand j’ai entendu parler de cette épidémie de viols dans l’armée, ma colère m’a conduite à entamer un travail journalistique de fond sur ce sujet. Je veux donner de la visibilité à l’histoire de ces femmes agressées par l’institution par excellence qui est censée protéger notre pays. Au cours des mois derniers, j’ai commencé à photographier et à recueillir le témoignage des survivantes au MST dans tous les Etats-Unis. Comment vivent-elles ? Pourquoi compte t-on tant de viols et d’abus dans l’armée américaine ? Pourquoi les victimes sont-elles ignorées et les agressions sexuelles considérées comme de simples erreurs de conduite et non comme un crime ? Pourquoi l’armée américaine compte t-elle un nombre de femmes jugées « instables » disproportionné par rapport à la population mâle ? Comment les Etats-Unis peuvent-ils promouvoir la liberté et de la dignité humaine dans des pays comme l’Afghanistan, condamnant les abus commis par les talibans mais permettant eux-mêmes des abus ? Voici quelques unes des questions que je veux poser avec mon travail. En donnant vie à ces histoires, je veux pousser le public à agir, à exiger du gouvernement américain et de l’armée un changement des lois et des politiques militaires sur le viol et les abus sexuels, en punissant ceux qui les commettent et en rendant justice aux victimes ».