On plonge dans les ruelles, se perd dans les souks, joue au torero avec les mobylettes et les charrettes tirées par des ânes. On est dans Ben Youssef, un quartier de la médina qui semble n’avoir pas changé dans un Marrakech en pleine mutation. C’est là dans cet environnement traditionnel et populaire que Patrick Manac’h et Hamid Mergani ont décidé d’installer, il y a deux ans, leur Maison de la Photographie. Patrick Manac‘h, l’un des deux créateurs, est un grand voyageur, connaisseur et collectionneur de photos depuis l’âge de 17 ans.
Dans un charmant riad, ils exposent les trésors photographiques qu’ils ont collectionné au fil des années, 6000 documents datant de 1870 à 1950 qui constituent la mémoire visuelle du Maroc. Des recherches qui les conduisirent du côté d’institutions comme la fondation Albert Khan ou les archives du protectorat ainsi qu’auprès de particuliers descendants de voyageurs amoureux du Maroc ou établis de longue date dans le royaume chérifien. C’est dans ce fond exceptionnel qu’ils puisèrent pour organiser l’exposition « Mémoire d’une place, mémoire d’un peuple », montée à l’occasion de l’anniversaire des dix ans du classement par l’UNESCO de la Place Jemaa El Fna au patrimoine immatériel de l’humanité.
La maison organise des expositions tournantes (trimestrielles) : des images précieuses, étonnantes, qui révèlent le talent et la liberté d’un professionnel comme Marcelin Flandrin mais aussi d’amateurs éclairés (on relève les noms de Félix, Garaud, Blin, Meyer) et de nombreux anonymes. Le fond s’est enrichi depuis peu de plaques de verre pour stéréoscope datant de 1926, réalisées dans le Haut Atlas. Des documents qui explorent toutes les régions du Maroc, ses contrastes, du pays Berbère aux habitants de la côte, du Rif au nord, et jusqu’au grand sud : parures des femmes, visages, les métiers et les gestes, musiciens et danses, communauté juive… Marcelin Flandrin photographiera même le Maroc vu du ciel. Et parfois quelques pépites, images lumineuses d’une grande beauté. Le photographe n’est pas qu’un ethnologue malgré lui, mais aussi un artiste qui s’ignore.
A noter que La Maison de la photographie « squatte » aussi d’autres lieux comme c’est le cas en ce début du mois de juin avec le beau riad de Denise Masson, islamologue installée ici depuis 1932 et décédée en 1994, et qui accueille une exposition sur Fès. La photo est entrée dans la ville rouge et elle n’a pas fini de nous raconter la richesse et la diversité de la culture d’un pays et d’un peuple.
Paul Alessandrini
Maison De La Photographie de Marrakech
46 rue souk Ahal Fés, Marrakech
Quartier Ben Youssef
Tel 05 24 38 57 21
