Après 2 ans de fermeture, l’ICP (International Center of Photography) vient de rouvrir dans ses nouveaux locaux au 250 Bowery. L’ICP, c’est une institution mythique fondée par Cornell Capa en1974. La première Institution internationale à être consacrée à la photographie et, comme le disait Cornell, plus particulièrement à la « Concerned Photography » : « le documentaire et le photojournalisme ». De sérieux challenges attendent aujourd’hui l’institution. Pour fêter cette réouverture, nous lui consacrons cette journée à travers les propos de quelques-uns de ses responsables.
Jean-Jacques Naudet
La photographie a vécu un véritable séisme ces deux dernières décennies. Auparavant pratiquée par quelques-uns et vue par beaucoup, elle est désormais pratiquée – et partagée – par des dizaines de millions de personnes. Nous sommes tous des faiseurs d’images. Les images nous servent à communiquer des idées complexes dans tous les domaines, depuis la politique jusqu’aux changements climatiques en passant par le terrorisme, mais nous permettent aussi de forger nos identités. C’est un phénomène qui nous affecte en tant qu’individus, mais qui touche aussi notre société vue comme un ensemble. La communication visuelle – production personnelle, distribution et réaction aux images en temps réel – fait désormais partie intégrante de nos identités dans le monde réel.
Le Centre International de la Photographie est le seul à pouvoir accueillir les discussions sur les implications de ce changement social profond. Ce que nous offrons, c’est un point de vue, à travers notre compréhension historique profonde du médium basée sur nos collections ; nos conservateurs établissent une programmation pour faire naître le dialogue et éveiller les consciences ; notre École forme et inspire la future génération de narrateurs visuels. Le nouveau Musée de l’ICP offrira lui-même une plateforme à ces conversations sur la culture visuelle et son impact. C’était l’idée du Centre que se faisait Cornell Capa : un forum public pour discuter du monde dans lequel nous vivons. L’espace en soi a été conçu pour susciter et développer le dialogue autour de la culture visuelle. Les presque trente mètres de verre en façade du Musée ont notamment été installés pour inviter à la conversation et à l’interaction. Le but était d’éviter l’intimidant « Escalier de Marbre » – que tant d’autres institutions ont préféré – en optant pour une entrée plus accessible qui incite chacun à pénétrer dans le musée et à s’intéresser. Notre première exposition « Public, Private, Secret », poursuit et renforce cette conversation, au-delà de l’exposition en soi. Elle constitue une expérience virtuelle autant que concrète, grâce à un contenu unique disponible sur le site web (www.publicprivatesecret.org), une programmation publique et des publications en lien avec l’exposition.
La prochaine exposition « Perpetual Revolution » reprend cette conversation en explorant la relation entre images et changement social. L’ICP reviendra ensuite à ses racines avec l’exposition anniversaire organisée pour les 70 ans de Magnum, qui traitera du conflit au sein de l’agence entre photojournalisme et photo d’art. Depuis sa création, l’ICP a fermement défendu l’idée que la photo et la création d’images fonctionnaient comme catalyseurs du changement social. C’est aussi vrai aujourd’hui qu’il y a cinquante ans, lorsque Cornell Capa a lancé le Fonds International pour la Photographie sociale (précurseur de l’ICP). Le moment est donc particulièrement propice à l’ouverture du nouveau Musée de l’ICP.