Le BAL présente la première grande exposition du cinéaste canadien Mark Lewis à Paris, qui est aussi la première uniquement constituée de vidéos de l’institution. Sept films formidables et fascinants, sept explorations du temps, de l’espace et du quotidien, réunis par Chantal Pontbriand et Diane Dufour et répartis sur les deux étages du BAL.
En haut, l’exposition commence – et c’est intéressant de le noter – avec The Pitch (1998) : le seul film sonore de Mark Lewis et le seul dans lequel il apparaît. Debout, il lit un texte sur le statut des figurants dans l’industrie du cinéma, pendant que la caméra dévoile progressivement autour de lui les passants d’un hall de gare. En face, Cold Morning (2009) : dans le matin glacé de Toronto, un sans-abri plie et range méthodiquement ses affaires lors d’un rituel quotidien.
Avec ces deux films, le spectateur est plongé au cœur du projet de l’exposition : le regard de Mark Lewis sur le monde contemporain, l’environnement dans lequel évoluent les hommes, les notions de temps et des à-côtés. Un aspect quasi documentaire et politique auquel l’absence de narration, les mouvements somptueux de la caméra, la photographie magnifique, picturale donnent une qualité hypnotique et envoûtante, tactile et sensible.
Cela se confirme au fond de la salle, sur le grand écran qui montre à la suite Hendon F.C. (2009) et Forte! (2010). Dans le premier, un terrain de football abandonné dans une banlieue du nord de Londres devient le lieu d’un jeu étrangement captivant et mélancolique sur les différences d’échelle entre l’herbe folle qui a envahi les lieux et les activités de la famille de Roms qui s’est installée là. Alors que Forte! tourné dans le paysage grandiose des montagnes du Val d’Aoste, autour d’un fort impressionnant, est plus hollywoodien, plus spectaculaire au sens propre du terme.
Dans l’escalier, Staircase at the Edificio Copan (2014) est l’exploration vertigineuse d’un bâtiment de São Paulo où l’on retrouve le goût du cinéaste pour l’architecture et son inscription dans le temps.
En bas, Cigarette Smoker at the Cafe Grazynka Warsaw (2010) : un plan fixe sur un homme qui fume dans un café de Varsovie. Et, enfin, sur tout un mur, la pièce centrale de l’exposition, à laquelle elle donne une partie de son titre : Above and Below the Minhocão (2014). Le film, superbe, tourne autour d’une portion de cette autoroute urbaine surélevée qu’est le Minhocão, au centre de la ville de São Paulo. La route est fermée à la circulation le soir et le week-end. Le public l’investit alors comme un parc : joggeurs, promeneurs et amoureux y déambulent. C’est ce moment qu’a choisi de capturer Mark Lewis en faisant circuler sa caméra au-dessus et en dessous de l’édifice, dans une réflexion sur la vie moderne, le changement de destination, l’architecture.
Dans chacun des films, la caméra zoome, surplombe, enveloppe ou caresse le sujet, avec une virtuosité jamais inutile. Mark Lewis n’établit pas de différence entre la forme et le contenu. Il cherche à dévoiler des choses qu’on ne voit pas d’ordinaire : il attire le regard sur un ensemble ou des détails, des éléments de vie ou des arrière-plans intrigants, joue sur la perception et le ressenti. C’est à cette expérience qu’il convie le spectateur : le partage d’un moment, d’une réflexion. Une suspension d’un temps à l’intensité variable. Un intervalle dans lequel se glisse la caméra pour observer, révéler et sublimer.
Mark Lewis expose aussi au Louvre. Quatre créations spéciales, quatre beaux films mystérieux, très différents de ceux présentés au BAL. Ils explorent le musée et ses galeries, l’envers de la pyramide ou les détails d’une œuvre de Chardin. Ils utilisent beaucoup le ralenti : une exception dans l’œuvre de l’artiste qui souligne son travail sur le temps et la perception, mais aussi ici l’histoire de l’art et la culture. Comme il le dit lui-même : « Les musées, ou la contemplation d’une œuvre d’art, sont une parenthèse dans le temps, ils le ralentissent, suspendent l’identification ou les pensées idéologiques. »
EXPOSITIONS
Above and Below
Mark Lewis
Jusqu’au 3 mai 2015
Le BAL
6, impasse de la Défense
75018 Paris
http://www.le-bal.fr
SOIREE SPECIALE
Le jeudi 12 mars de 18h à 22h
Pendant cette soirée événement, LE BAL invite plusieurs personnalités, artistes, historiens, critiques, philosophes dont Chantal Pontbriand, Louidgi Beltrame, Christa Blüminger, Barabara Le Maître, Pacal Michon et Jean-Pierre Rehm, à interroger l’œuvre de Mark Lewis dans toute sa complexité et à explorer les notions temporelles et de perception qu’elle met en jeu. Notamment, la question de l’attention portée aux détails révélateurs d’un certain état de nos sociétés contemporaines.
Toutes les infos sur la soirée : http://www.le-bal.fr/fr/mh/le-bal-lab/rencontres-performances/rencontres-performances-a-venir/soiree-autour-de-mark-lewis/
Invention au Louvre
Mark Lewis
Jusqu’au 31 août 2015
Le Louvre, Paris