Cartes postales d’Italie
Il y a deux Venise : l’une qui fête toujours quelque chose, qui fait du bruit, qui sourit et qui passe son temps sur la Riva degli Schiavoni, le front de mer ; les pigeons, les marées de touristes et les tables devant le café Florian avec des objets scintillants. Il semble qu’à l’exception de deux ou trois mois d’hiver, il y ait ici une existence oisive et agitée tout au long de l’année. Il suffit de regarder la marée des vagues humaines le matin sur le Ponte della Paglia, d’entendre le faible bruit des conversations multilingues et le doux bruissement des pas sur les dalles de marbre, de s’asseoir avec les personnes âgées sous les arcades du palais des Doges, ou de visiter Saint-Marc pour regarder distraitement les mosaïques sur les sols anciens.
Et puis le soir tombe. Les lumières s’éteignent, les oiseaux se couchent, Florian et Quadri installent des tables sur la place. On joue de la musique. Le temps passe, comme un enfant, sans soucis ni préoccupations.
Cette vie a son charme, mais elle s’accompagne souvent de mélancolie. On peut se lasser de la musique, des vitrines qui brillent et de l’éternel grondement d’une foule étrangère. Venise peut donner un sentiment de solitude ; elle n’éclaire pas comme Florence ou Rome. Il vaut la peine de s’éloigner un peu de Saint-Marc pour vivre un déferlement d’émotions différentes de celles que l’on trouve sur la place. Les passages étroits sont soudain empreints d’un air profond et silencieux. Les pas d’un rare passant résonnent au loin et se taisent soudain ; leur rythme laisse une trace qui guide l’imagination dans le monde des souvenirs. Et l’eau ! Elle attire et absorbe mystérieusement les pensées, comme elle absorbe ici tous les échos, et un profond silence s’abat sur le cœur.
De 1786 à 1788, Goethe entreprend son grand tour d’Italie à la recherche d’une transformation personnelle. Mon premier voyage en Italie a commencé plus prosaïquement lorsqu’un jour je suis entré dans une librairie de livres anciens. Après que mes yeux se soient habitués à l’atmosphère sombre et poussiéreuse du magasin, ils ont été attirés par une boîte de cartes postales anciennes, dont beaucoup étaient remplies d’images de l’Italie datant d’aussi loin que les années 1920. Ces cartes postales illustrent les détails de la vie personnelle des personnes voyageant en Italie. J’ai conclu un marché avec la propriétaire pour acheter une boîte. Elle l’a emballée dans du vieux papier journal et l’a nouée avec un ruban rose – la façon classique de transporter le monde. C’est ainsi qu’ont commencé les « cartes postales d’Italie ».
L’Italie est un lieu de contradictions où le passé est toujours présent. Le « Grand Tour » a servi de rite de passage, de « correspondance » photographique à distance temporelle et spatiale avec moi-même et d’autres personnes, et d’exploration des pouvoirs de l’imagination. Bien que toutes les images aient été photographiées dans diverses régions d’Italie, au lieu d’un carnet de voyage, elles servent de métaphore et capturent les détails de réflexions personnelles sur le destin de la culture humaine, une enquête sur les rêves et la réalité, et la nature insaisissable de la narration elle-même pour ceux qui sont passionnés par les choses grandes et petites – c’est-à-dire l’Italie.
Marina Black est une photographe vivant au Canada.
Son travail est représenté par la galerie VU’ en France, la galerie Lumina en Norvège, la galerie de l’Université d’Amsterdam en France et la galerie de l’Université d’Amsterdam en Italie.