La dernière série de Marianna Rothen, Shadows in Paradise (Ombres au paradis) ainsi qu’une installation vidéo sur deux canaux, The Woman With The Crown (La Femme à la couronne) sont exposées à la galerie Stephen Kasher de New York. Rothen propose une alternation complexe des procédés argentiques et numériques, prenant une première image en numérique, qu’elle photographie à nouveau sur pellicule Polaroid, avant de la scanner et de l’imprimer en numérique. Elle obtient ainsi une tonalité cinématographique à l’ancienne parfaitement singulière. L’exposition présente également la seconde monographie de l’artiste, Shadows in Paradise, publiée par b.frank books, Zurich.
Le court métrage The Woman with The Crown est projeté pour la première fois. La vidéo s’inspire d’un entretien télévisé donné par la Princesse Diana en 1995, où elle évoque avec franchise et désarroi la fin de son mariage et le mépris de la famille royale envers elle. Tout en voyant le conte de fée tourner mal, le public comprend petit à petit que Rothen incarne quatre personnages s’exprimant avec les mots de Diana. On découvre ainsi une prostituée blonde venue de Paris, Texas, de Wim Wenders, une femme maussade inspirée de Frances Farmer, une fermière boutonneuse, ainsi que Diana elle-même. Cette vidéo émouvante est à la fois une tragédie familiale, un tour de force en termes de jeu d’acteur, et une réflexion complexe sur la féminité.
Les personnages de Shadows in Paradise sont incarnés par Rothen elle-même ainsi que par ses modèles/muses/amis. Les photos ont été prises en 2015 dans la maison de Rothen, située dans le fin fond de l’Etat de New York, dans un état de décrépitude avancée, presque à l’abandon, puis à l’été 2016, après des rénovations massives. Carlo McCormick écrit dans l’introduction du livre : « Nous connaissons cet endroit ; c’est le paysage de ce qui a été perdu, le terrain mouvant sur lequel pousse l’oubli… Ce n’est pas une destination mais une voie de garage, celle de l’indétermination, une frontière que Rothen franchit moins qu’elle ne la trace comme on caresse avec bienveillance une cicatrice à laquelle on s’est habitué. Marianna emplit ces images d’une gentillesse tacite, elles deviennent une compagnie et un confort que nous conservons lorsque nous nous retrouvons seuls, effrayés par ce monde. Lorsqu’elle apparaît dans le cadre ou derrière l’objectif, elle n’est jamais vraiment ancrée ni solide, mais fait planer, éthérée et translucide, autant de sentiments que de faits. »
Les photos de Shadows in Paradise renvoient à trois films : Persona de Bergman, Trois femmes de Robert Altman et Mulholland Drive de David Lynch. Dans le monde onirique de Rothen, gouverné par les femmes, les personnages se trouvent et se perdent. Les photos exposées montrent des personnages déjà vus dans l’ouvrage publié par Rothen en 2014, Snow and Rose & Other Tales. A l’époque, les femmes de Rothen dansaient nues avec exubérance, pour célébrer leur utopie libre d’hommes. Nous les voyons désormais lutter pour rester connectées à leurs notions idéalisées de l’être, faire face à leurs illusions défaites, tomber plus profondément dans l’aliénation. Cette nouvelle série explore la vie après le bonheur, lorsque l’on a obtenu tout ce que l’on désirait mais que rien ne se passe comme prévu. Elle demande ce que signifie être un femme parmi les femmes, dans un monde d’où les hommes ont été bannis, mais qui s’y cachent encore.
Marianna Rothen, Shadows in Paradise
Du 23 février au 15 avril 2017
Galerie Steven Kasher
515 W. 26e rue
New York
NY 10001
USA