Le mot arabe el bahr désigne la mer, mais aussi la plage. À Casablanca, Tanger, Rabat, Essaouira et dans d’autres villes marocaines, Marco Barbon photographie un ou deux individus, hommes ou femmes, de dos face à la mer. Si on ne voit pas leurs yeux, on devine les regards errant, jusqu’à l’horizon, sur l’étendue marine. Si la mer est bien là, le rivage est bien peu accueillant. Les murs, les barrières de ciment, les grossiers entassements de pierre n’invitent ni à la baignade ni au bronzage, ni même à la promenade sur le rivage. Le cadre n’est pas propice à s’embarquer autrement qu’en pensées. Ceux qui sont venus contempler la mer sont là pour méditer, retirés dans leur intimité. Ils rêvent à leur propre départ ou se souviennent avec nostalgie de leurs amours, leurs amis, de leurs proches partis au-delà des mers.
Marco Barbon écrit ainsi : « La mer représente pour ces personnes un espace disponible où noyer les soucis d’un quotidien difficile, où chasser leurs fantômes, retrouver leurs souvenirs, laisser libre cours à leur imagination : el bahr est un territoire de l’âme. Mais elle est aussi le symbole d’un ailleurs rêvé et toujours présent à leur esprit : surface infranchissable, barrière cruelle qui les sépare de leurs chers, partis tenter la fortune ailleurs (c’est pourquoi, dans ces silhouettes énigmatiques et souvent solitaires, on ressent parfois une espèce d’attente, comme un espoir) ».
Irène Attinger
Irène Attinger est responsable de la bibliothèque et de la librairie de la Maison Européenne de la Photographie, à Paris.
Marco Barbon, El Bahr
Publié par Filigranes Editions
30 €