A l’ère de la photographie numérique, le négatif photographique a perdu sa fonction de condition préalable à la reproduction. Cela signifie-t’il qu’il a aussi perdu sa pertinence artistique unique? C’est une des questions que pose Marc Peschkes dans sa nouvelle série «Maschera».
Le négatif est une empreinte de la réalité, mais en même temps, il a une fonction de masque. Le philosophe germano-coréen Byung-Chul Han a souligné que l’absence d’un négatif dans la photographie numérique signifie «l’absence de la croissance, du vieillissement et de la mort. »
Ralf Hanselle a décrit le négatif comme une image « intermédiaire.» Dans son travail le plus récent, Thomas Ruff a travaillé avec ces “images intermédiaires ». Dans une série intitulée « Négatifs, » Ruff utilise des images historiques, comme par exemple une photo de maharajas indiens, et les colore dans le bleu froid du négatif. La matière première de Ruff demeure impersonnelle et il lui manque un rapport direct avec l’auteur.
L’approche de Peschke est à l’exact opposé. Ses images proviennent de photos prises principalement pendant ses voyages en Europe méridionale et le motif final est ensuite créé dans la « chambre noire » de l’ordinateur. L’artiste tente de créer des images qui évoquent la mystérieuse aura alchimique des tirages photographiques anciens. Parmi ses influences figurent l’histoire de la photographie d’avant-garde, les expérimentations formelles du début du vingtième siècle, et l’idée de la photographie subjective. Les œuvres de Peschke repoussent toute tentative d’ interprétation descriptive et documentaire: il se préoccupe plutôt des processus de mystification et d’obscurité.
En un sens, ses nouvelles œuvres sont des «masques» de l’original: non pas des tirages, mais des ré-interprétations. Elles exposent leur contenu tout en le voilant simultanément de mystère. Ces œuvres traitent de la double identité d’images et de l’ombre inhérente à toute représentation. Le « double » [doppelganger] sombre de l’image est au centre de la pratique artistique de Peschke. Ses œuvres sont des explorations dans l’inconscient et l’invisible de l’image.
Marc Peschke