Marc Javierre Kohan (1973, Barcelone), photographe
Il commence comme assistant dans un studio photo pub en 1997. En 2000, il devient photographe de presse pour le journal local « L’informatiu de Sants » qui sortait à l’époque en N&B. Il se souvient que sa première couverture c’était sa main introduisant une pièce d’un euro dans la fente d’une cabine téléphonique, là le journal passe à la couleur, on est en 2002 !
En 2005, une collaboration récurrente s’instaure pour lui avec La Revista de La Vanguardia, un supplément du Dimanche sans publicité. Jusqu’en 2007, il publie environ 25 reportages.
En 2006, pendant le boom des journaux gratuits à Barcelone, il fournit aussi ADN avec ses images.
En 2007, une équipe nouvelle débarque à La Vanguardia avec la mission d’optimiser les ressources du quotidien. L’équipe qu’il décrit comme les « hommes en noir », des financiers, des têtes pensantes de la restructuration, décident alors de supprimer le supplément La Revista car il ne proposait pas d’espace publicitaire et donc ne générait pas de revenus à ce titre.
Toutefois, Marc rappelle avec une délectation non dissimulée que La Revista de la Vanguardia, certes plus « cutre » (on dirait « cheap » en « français » pour sa qualité éditoriale) était néanmoins une réelle plate-forme d’expression pour les photographes de presse. Son reportage « Marina d’Or Ladrillos de Oro » sur un grand complexe touristique de Castellon près de Valence en 2006 montre avec cynisme la spéculation immobilière, l’absence de durabilité écologique du lieu en vertu du rationnement en eau de la région et la bouffonnerie architectural du complexe (ici on dit « una horterada, pero completa »). Le reportage est publié cependant par le supplément en mai 2006, Conséquence, retrait de la compagne publicitaire pour la saison été 2006 dans La Vanguardia par le complexe Marina d’Or… Vraisemblablement, les têtes pensantes de la restructuration ont aussi pris en compte cet incident journalistique…
En 2008, ADN suit la tendance et suspend ses collaborations avec la plupart des photographes free-lance qui lui fournissaient son iconographie.
Alors El Periodico de Catalunya récupère les histoires des photographes sans éditeurs mais à l’issue de trois reportages publiés, ils annoncent aussi la même tendance : ils éliminent purement et simplement les collaborateurs externes, comme la Vanguardia, comme El Pais, comme tous les supports de la presse.
Tous sans exception, se cantonnent aux photographes sous contrat et aux grandes agences : Efe, Reuters, AFP, AP, Getty.
Après ça, « il faut se réinventer » dit Marc en rigolant. « Je reprends la publicité et fais des portraits pour des revues et je travaille sur des projets documentaires. Je commence par l’univers de la boxe. » Il se concentre pour ce projet sur la dynamique du combat, sur les regards des combattants, sur une vision intimiste et épidermique du sport. Pour cela, il photographie en noir et blanc avec flash direct à la manière des années 40-50.
Il enchaîne avec des sujets documentaires au Japon et aux Etats Unis, revient sur Barcelone et poursuit ici aussi un travail sur les Ramblas : Tourist Walk.
Avec cette dernière série, il réinvente pour lui la méthode Crow Funding avec son blog :
Par ce biais, il rentre 3 000€ répartis sur 90 mécènes avec lesquels il édite 100 exemplaires numérotés.
Aujourd’hui avec ça, il va continuer son petit bonhomme de chemin et développer une édition inspirée des grandes revues d’art où texte, poésie, photographie, design et graphisme cohabitait et savaient se répondre.
Je vous laisse avec ses images de Tourist Walk et une citation:
« Grâce au passage presse / documentaire, j’ai compris que la photographie que j’abordais c’était mon interprétation du monde, alors qu’avant, avec la presse, j’essayais juste de montrer, avec une intonation, certes mais je ne m’autorisais pas à interpréter…« .
Propos recueillis par Lola Fabry