Lorsque les conquistadors espagnols pénètrent au centre du Chili, en 1536, ils se confrontent à l’un des peuples d’Amérique australe, les Mapuche (“les gens de la terre”), fiers guerriers qui leur résistèrent, comme ils avaient résisté auparavant aux Incas.
Connus autrefois sous le nom d’Araucans, ces chasseurs-cueilleurs et pêcheurs empruntèrent aux Incas l’agriculture (maïs, pommes de terre…) et l’élevage (lamas). Des Espagnols, ils prirent les moutons, et surtout les chevaux et la pratique de la monte, qui firent d’eux de redoutables cavaliers, à la fois chasseurs et guerriers. Ils s’opposèrent ainsi à tous les envahisseurs pendant trois siècles, se garantissant un vaste territoire autonome, et pratiquant des échanges à travers la Cordillère des Andes, de cuir, chevaux, tissages, viande salée, sel gemme… Ces activités les conduisirent à s’implanter dans la plaine de l’ouest de l’Argentine au cours du 17e siècle.
Toutefois, à la fin du 19e siècle, Chiliens et Argentins portèrent les coups décisifs pour expulser par la force les autochtones de leurs terres ancestrales, afin de coloniser ces espaces, y développer l’agriculture intensive, exploiter les forêts, et plus tard construire des barrages… Outre des tueries, il en résulta des déplacements massifs, notamment vers les villes. Au 20e siècle, les Mapuche avaient été spoliés de 90 % de leurs territoires, et ils avaient perdu la majorité de leur cheptel.
« De nos jours, plusieurs groupes constituent le peuple Mapuche », explique Serge Bahuchet, directeur du Département Hommes, Natures, Sociétés du Muséum national d’Histoire naturelle. « Et ce selon leur lieu d’implantation, notamment les Lafkenche près de la côte, les Pehuenche dans les montagnes, les Huilliche de l’Île de Chiloe… Près d’un million de personnes se revendiquent comme Mapuche, plus de 900 000 au Chili, les autres en Argentine. La moitié vit dans des centres urbains, souvent depuis plusieurs générations, loin de leurs terres d’origines. Cependant cette émigration urbaine se poursuit. Au Chili, elle est provoquée par l’accroissement démographique, la pression foncière qui en résulte, et par les constantes pertes de territoires à cause de la construction de barrages et des transformations de l’environnement (plantations d’eucalyptus ou de pins à la place des forêts naturelles, par exemple). Malgré des timides mesures de protection, les pressions sur les terres et les ressources persistent, comme les tentatives d’assimilation culturelle. Les communautés y résistent, et fortes sont les revendications autochtones identitaires et territoriales, de part et d’autre des frontières. »
Entre photographie, ethnographie et ethnobotanique, cette exposition au Musée de l’Homme, à Paris, mêle de manière originale art et sciences et nous emmène à la découverte du peuple Mapuche, qui vit actuellement dans le sud du Chili et dans l’environnement urbain de Santiago.
Née d’une collaboration inédite entre le collectif d’artistes Ritual Inhabitual et les chercheurs du Département Hommes, Natures, Sociétés du Muséum national d’Histoire naturelle, l’exposition met à l’honneur la culture Mapuche et notamment la cosmogonie, les pratiques rituelles et la connaissance des plantes qui se maintiennent, se transmettent et se transforment à travers la relation entre l’ancienne et la nouvelle génération.
Le travail photographique sur les communautés amérindiennes “traditionnelles” mais aussi catholiques, évangéliques et les jeunes rappeurs de la banlieue de Santiago, a donné naissance à une magnifique galerie de portraits des acteurs des principaux rituels de ce peuple ; tandis qu’en parallèle, une étude sur les plantes endémiques a permis la création d’un herbier, qui illustre non seulement la diversité des formes végétales existantes dans la région, mais aussi la diversité d’usages associés à ces plantes.
Mapuche, voyage en terre Lafkenche
Du 18 janvier au 23 avril 2017
Musée de l’Homme
17, place du Trocadéro
75016 Paris
France