La Fondation Magnum soutient la photographie documentaire en multipliant les initiatives pour étendre son terrain d’intervention classique. La presse et les expositions ne sont plus les uniques formes de diffusion pour l’image fixe et la Fondation innove dans ce domaine : il y a deux semaines, elle a organisé en association avec The Open Society Foundations un week-end de rencontres et de débats intitulé Photography Expanded, visant a évaluer et à stimuler les nouvelles formes de collaboration possibles pour les photographes. Design, interactions physiques et virtuelles avec une communauté cible, jeux vidéo, plateformes multi-média, autant de projets participatifs offrant des possibilités narratives originales. Autre initiative singulière, sa collaboration avec la compagnie Working Theater pour leur pièce La Ruta, écrite par Ed Cardona Jr. A l’heure où l’immigration fait débat au Congrès, ce drame peu classique dans sa forme scénique et narrative propose une expérience immersive au sein de laquelle la photographie est à la fois un élément métaphorique et rythmique. La pièce suit quelques immigrés d’Amérique Centrale dans leur traversée anxieuse et exaltée de la frontière américaine au sein d’un camion qu’ils partagent avec les spectateurs. Alors que leurs doutes et souvenirs défilent avec les kilomètres, les photographies alternent vastes espaces du Sud et portraits, une imagerie plus intime évoquant métaphoriquement la mémoire, le passé et l’espoir. Sous sa forme projetée, la photographie est discrète, encore timide, mais définitivement convaincante. Elle revêt une fonction avant tout émotionnelle qui répond au ton de la pièce, refusant le pathos et la caricature autant que la légèreté. Une installation adjacente constituée d’une vidéo de Mimi Schiffman, de photographies de Paolo Pellegrin, Chien-Chi Chang, Paul Fusco, Susan Meiselas et Ruth Prieto est quant à elle plus engageante, contribuant a prolonger l’expérience de la pièce et a élargir le discours. Une photographie géante de Paolo Pellegrin de la frontière à El Paso accueille les spectateurs à la sortie. Elle est recouverte des noms, sexe et âge des centaines de cadavres, identifiés ou non, retrouvés à la frontière mexicaine. C’est l’une des réalités de l’immigration. Les autres pans de cette structure triangulaire proposent d’autres réalités : celle de la détention, celle de l’angoisse permanente de l’illégalité et celle de l’immigration réussie. L’ensemble est complété de dispositifs audios et de témoignages écrits résonnant avec le texte d’Ed Cardona Jr. Dans ce mélange de formes, la fiction et le documentaire se complètent pour mobiliser le public sur un sujet critique.
Laurence Cornet
Représentations jusqu’au 12 mai 2013
Dans différents lieux à travers New York
USA