Pendant quelques jours, j’ai parcouru SF, San Francisco pour les intimes, Frisco la belle, le fleuron de la Californie, l’état le plus riche des Etats-Unis.
Ce que j’y ai vu, moi, n’avait rien de Golden, ni de Glamour. C’est peut-être ça, le rôle, le devoir, du photographe : voir ce que les autres ne voient pas.
Cette ville m’a remplie d’horreur et de profonde tristesse : SF est une ville où l’on enjambe les êtres humains sans y prêter attention. On ne sait d’ailleurs plus si ce sont encore des êtres vivants. Les trottoirs sont envahis de tentes, de détritus et de corps… en plein centre-ville, à deux pas du Capitole, proche des restaurants branchés…
Ce qui m’a sidérée est l’indifference générale.
Primo Levi a écrit un témoignage bouleversant sur la négation de l’humanité dans les camps de concentration. A deux pas du Capitole de SF, en plein Centre Ville, l’humanité est en perdition, au vu et au su de tous, mais que faisons-nous?
Les regards sont hagards dans l’abandon de toute dignité. Certains sont dans des états de sidération totale, aussi indifférents que le sont ceux qui leur passent devant.
J’ai croisé le chemin de cet homme ou était-ce une femme, je ne sais pas, qui errait sans but, un matin près du Capitole à San Francisco après avoir fouillé dans des poubelles près d’une tente occupée par un autre mort-vivant.
J’ai photographié un homme qui m’a adressé un sourire d’une grande douceur: il était peut-être heureux que quelqu’un le VOIT? Son message vous prend aux tripes : « Imagine what if this were you ? » “Imagine si ça, c’était toi?“ , « ça» ? Comment en est-on arrivés là?
Parce que sur ce plan, on a pas beaucoup à envier aux Etats-Unis…
Lydia Kasparian
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