Peter Di Campo est un photographe documentaire qui cherche à contribuer par son travail au dialogue sur le développement international de l’Afrique et la façon dont ce continent est perçu. Di Campo a débuté sa carrière en tant que photojournaliste traditionnel, volontaire dans le Corps de la Paix, mais il cherche aujourd’hui à déconstruire cette expérience. Cofondateur d’ « Everyday Africa », projet né sur Instagram devenu un phénomène mondial, il prend régulièrement la parole dans les salles de classe ou dans le cadre d’ateliers, pour évoquer les stéréotypes dans les médias et promouvoir l’importance pour un lieu de raconter sa propre histoire.
Défenseur de longue date de l’idée selon laquelle on apprend toute sa vie, je suis honoré d’avoir interviewé Peter, car il nous montre la voie à suivre pour apprendre des autres, et parce qu’avec « Everyday Africa », il est en train de construire une communauté à échelle mondiale. Apprendre peut changer notre vision individuelle, nous permettre d’adopter un nouveau point de vue. On en apprend sur quelqu’un ou sur quelque chose, mais aussi sur nous-mêmes. Je me réjouis que Peter, aux côtés d’Austin Merrill, réussisse à faire évoluer grâce à Instagram les stéréotypes sur les peuples africains, établis depuis des centaines d’années !
EA : Quel est votre plus grand espoir quant à l’issue d’« Everyday Africa » ?
PDC : J’adorerais vous faire une belle réponse, parler du changement de perception, d’une meilleure vision de l’Afrique dans le monde, de ceux qui voient nos photos sur Instagram et découvrent un continent plus vaste et plus varié que ce que leurs connaissances ne leur permettaient avant. Nous avons sans doute fait avancer les choses. Notre travail est vu par un très large public, et nous avons rencontré des milliers d’étudiants dans les écoles américaines. Nous voyons un vrai changement chez les jeunes, quand ils réalisent que ce continent représente beaucoup plus que ce qu’on les a laissés croire.
J’adorerais vous faire une belle réponse quand vous me demandez quel est notre « plus grand espoir », vous dire qu’il faudrait que ce projet rencontre tellement de succès qu’il deviendrait hors de propos, qu’il n’aurait plus lieu d’être. Je ne suis pas certain qu’il atteigne cela un jour, ni que nous pourrions nous attribuer ne serait-ce qu’un infime mérite, pour ce qui représenterait un véritable changement mondial.
À la place, je dirai que ces derniers temps, nous avons porté notre attention sur l’importance de faire entendre les voix locales. Nous avons fourni des connexions aux photographes africains intéressés par les médias mondiaux, intégré au projet de plus en plus de voix africaines, en essayant de leur trouver des opportunités. Nous leur avons donné plus de missions, nous avons permis aux photographes expérimentés d’animer des ateliers, et aux apprentis photographes d’y assister. Nous avons créé la base de données Photojournalisme Africain avec la Fondation World Press Photo, à travers laquelle nous espérons développer un certain nombre d’initiatives cette année.
EA : En quoi la photo est-elle le meilleur moyen de représenter l’idée d’une identité communautaire, si resserrée, notamment dans le monde rural africain?
PDC : Je pense qu’en ce domaine, une longue légende s’avère particulièrement puissante. Il faut des récits complets, qui expliquent en détail ce que voit le lecteur, à la fois pour un public occidental pouvant trouver peu familières certaines pratiques culturelles, et pour des spectateurs africains, qui aiment comparer leurs vies à ceux des autres habitants du continent. Par exemple, Austin et moi avons récemment lu les milliers de commentaires que les photos suscitent sur Instagram, car certains seront inclus dans notre livre à paraître. C’est passionnant de voir des gens venus de toute l’Afrique commenter telle ou telle pratique culturelle : « Ça ressemble beaucoup à ce que nous faisons ici, mais avec quelques différences… » L’un des points communs reste bien sûr la nourriture, mais il y a aussi « Obruni wawu », un terme twi qui désigne les vêtements occidentaux en vente dans les marchés, et signifie littéralement : « les habits des hommes blancs morts », partant du principe qu’une personne qui a pu se débarrasser de vêtements en parfait état est forcément morte ! Des gens du monde entier ont commenté en disant que l’expression était la même dans leur langue, et ils donnaient le terme exact.
FESTIVAL
LOOK3
• Séminaire d’une journée :
Creativity Meets Technology
Mercredi 15 juin, 9h30 à 17h
• Schedule: 1:45 – 3:00, Instagram as a Tool for Social Engagement
Peter DiCampo (Photographer) & Austin Merrill (writer): @everydayafrica
http://everydayafrica.tumblr.com
http://www.peterdicampo.com