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Londres –Venise en péril

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Par un lundi matin pluvieux et nuageux, avec une humeur d’après Paris Photos, je me dirigeais vers la Somerset House pour visiter Real Venice. Il s’agit d’une exposition organisée par l’organisme de bienfaisance Venice in Peril, en collaboration avec Ivorypress afin de lever des fonds pour la restauration et la protection des bâtiments et des ouvrages d’art de Venise. L’exposition, organisée par le fondateur d’Ivorypress, Elena Foster et son équipe en première à San Giorgio Maggiore Abbaye à l’occasion de la Biennale de Venise cette année, sera exposée à Londres jusqu’au 11 Décembre. Real Venice et le catalogue qui l’accompagne, font partie du Projet CPhoto: un programme qui vise à soutenir et à promouvoir la photographie et l’art contemporain à travers des publications, expositions et autres activités connexes.

Real Venice est soutenu par le concours de quatorze photographes de renommée internationale, Lynne Cohen, Philip-Lorca diCorcia, Antonio Girbés, Nan Goldin, Pierre Gonnord, Dionisio González, Candida Höfer, Tiina Itkonen, Mimmo Jodice, Tim Parchikov, Matthias Schaller, Jules Spinatsch, Hiroshi Watanabe et Robert Walker qui ont été invités à visiter Venise et à constituer un portfolio d’images pour rendre hommage à la ville. Chaque artiste a contribué à la collecte de fonds dans le but de faire don d’une édition de ce portfolio. En outre, les photographies sélectionnées de la collection ont été associées à une vente aux enchères dédiée qui s’est tenue chez Phillips de Pury à Londres le 3 Novembre et dont tous les bénéfices iront à Venice in Peril.

Le Somerset House est un spectaculaire bâtiment néo-classique, siège de la Courtauld Gallery et d’un programme varié d’expositions. Je pénétrais dans le bâtiment depuis le Strand et je traversais la cour – là où la patinoire annuelle est prête à l’ouverture – pour me rendre à l’Embankment Galleries situé dans l’aile sud de la Tamise. L’espace de la galerie est une zone isolée et tranquille qui permet au public de se concentrer profondément sur l’exposition.

L’oeuvre de Hiroshi Watanabe, Marta Marchi As Strega – également utilisée pour le dépliant de l’exposition – accueille les visiteurs et présente un thème central de la culture vénitienne, celui du masque. Le photographe japonais a abordé le projet proposé par Venice in Peril en étudiant la Commedia dell’Arte qui, tout comme le théâtre japonais, utilise des masques sur scène. Watanabe savait que les deux pays possédaient la même dynamique de traditions théâtrales. Il avait travaillé sur la série de portraits depuis quelques années, en se concentrant finalement sur l’histoire des arts théâtraux et la prise des acteurs de Kabuki, les poupées bunraku et les masques de Nô. De même, il s’intéressa à la réalisation du portrait de Venise: «… J’ai senti qu’ils [les Vénitiens] ne sont pas parfaitement heureux avec ce qui se passe pour la ville. Il semble que la ville existe pour (que des attractions touristiques) et par (avec l’argent des touristes) les étrangers. Il semblerait qu’il existe de nombreuses personnes qui bénéficient de ce flot de monde, mais peut-être que beaucoup d’autres ont aussi été écartées. J’ai senti cette tension et j’ai essayé de faire montre de cette tension conflictuelle dans mes photographies… »

A l’étage supérieur, j’y ai trouvé certains de mes portfolios favoris: Lynn Cohen et Jules Spinatsch. Depuis le début des années 1970, Cohen a exploré le mystère des places vides où l’espace lui-même est un sujet concret de l’image. Bien qu’ici la présence humaine actualise toujours un sentiment obsédant qui imprègne l’environnement, Cohen évite toute contextualisation de l’espace dans ses photographies mais il applique plutôt le pouvoir de l’ambiguïté et de l’absence. Dans sa série la plus récente Vague Memorie, Cohen documente les intérieurs de Venise en lutte en se concentrant sur les aspects psychologiques, sociologiques et politiques des sujets. Elle refuse de véhiculer une image de carte postale de Venise, comme faite de symboles d’un passé glorieux: des intérieurs d’églises, de palais ou de théâtres. Ses intérieurs rappellent des ensembles de scènes ou des installations postmodernes où nous nous attendons à voir les acteurs apparaître à tout instant. «La désorientation que ses photographies provoquent est largement le résultat de la nature spécifique et mystérieuse des lieux qu’elle photographie avec leurs symétries étranges et leurs disjonctions ».

Sur le mur opposé se trouve le portfolio de Jules Spinatsch, Exit Strategies. Le texte du mur à côté de l’image est intitulé ainsi: “Hanna: Oh, Jeff, the world is too bad. Jeff: The only thing I accept is Despair ». Le film se déroule dans un hôtel en bord de mer où l’équipe attend en vain l’arrivée du réalisateur et de la star. Seul le début du tournage finira sans doute par apporter un soulagement à la tension psychologique et émotionnelle. Spinatch arriva à Venise dans une ambiance similaire à celle des personnages du film de Fassbinder Beware of a Holy Whore. Il avait l’espoir de trouver un échappatoire à ses angoisses dans la ville mais la tentative finira par rencontrer un échec total. Il sombra progressivement dans ses ténêbres personnelles. La claustrophobie et la recherche d’une évasion est devenue un sujet fondamental à explorer : un trait commun à Exit Strategies qui est représenté par la présence de la voie de fuite à peine visible ou au centre de chaque image.

La collection de portfolios exposée offre une vision alternative de Venise dans toute sa complexité entre les différentes identités qui tentent de se compléter et de s’ajuster les unes aux autres.

Elisa Badii

Real Venice
Somerset House
Embankment Galleries
London WC2R 1LA
10h-18h
10h-20h (les jeudis)
Jusqu’au 11 décembre 2011

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