Sprüth Magers présente Mirror, une exposition de Jean-Luc Mylayne.
La poésie et les questions philosophiques existentielles définissent la pratique photographique conceptuelle de Jean-Luc Mylayne depuis plus de quatre décennies. Capturant des oiseaux dans leurs habitats naturels, l’artiste crée des images formellement surprenantes et soigneusement calibrées. Sprüth Magers a le plaisir de présenter Mirror, une sélection chorégraphiée des œuvres de Mylayne formant un ensemble distinctif thématique autour de la fragilité de nos écosystèmes partagés et de la brièveté de la vie sur terre. Chaque œuvre exposée est unique et le produit d’un engagement, d’un temps et d’une ingéniosité technique exceptionnels. Nécessitant de longues périodes de préparation qui contrastent fortement avec le mouvement anxieux incessant de ses sujets, l’artiste produit des images qui possèdent l’étonnante capacité de ralentir le temps. Dans une méditation sur la nature, la vie et la transscience, Mylayne semble explorer les points communs et les clivages entre nous, les humains, et ces animaux fragiles et indomptables.
Suivant un schéma invariable, les titres de Mylayne traduisent sa méthode et ses préoccupations théoriques. Numérotées chronologiquement et indiquant l’année et les mois de production – sans référence au lieu ni aux espèces d’oiseaux – elles révèlent le temps comme aspect fondamental de son travail. Cette méthode archivistique de titrage indique les deux modalités temporelles différentes qui déterminent les œuvres. Enregistrement à la fois d’un moment opportun et du passage continu du temps, ils nomment les facteurs qui rendent possible une image méticuleusement planifiée mais spontanée. Dans le N° 324, Avril Mai 2005 (2005), un ou deux oiseaux sont capturés en plein vol. Camouflés par leur environnement, ils apparaissent transparents et évoquent des métaphores de notre existence éphémère sur une planète vieille de plusieurs milliards d’années. Longtemps envisagés et bien préparés, les instants capturés ne peuvent pas être répétés – une circonstance soulignée par le choix de l’artiste de n’avoir qu’un seul tirage de chaque photographie.
Des paramètres stimulants sont définis pour donner vie à ces images. Mylayne identifie un oiseau en particulier, conçoit une idée visuelle, installe son équipement dans un lieu que l’oiseau fréquente et attend des conditions d’éclairage particulières. Aux prises avec les changements de temps et de saisons, il répète le processus avec une précision scientifique : installer son équipement chaque jour et tout démonter chaque nuit, pour le réinstaller dans la même position le lendemain. Les principes de répétition et de différence sont également employés dans la présentation des œuvres de Mylayne. Les variations d’un même plan sont souvent regroupées, invitant ainsi à un visionnage comparatif. N° 409, Avril Mai 2006 et N° 411, Avril Mai 2006 (tous deux de 2006) – deux images d’un seul oiseau posé sur une branche au milieu de quelques pâquerettes – offrent à chaque visionnage de nouveaux détails. Dans les transitions abruptes du flou à l’extrêmement net, il y a plusieurs points sur lesquels se concentrer. Sans une perspective unique pour comprendre et organiser les paysages représentés, les yeux du spectateur sont obligés de se déplacer à la recherche de changements soudains dans les registres spatiaux. Ce caractère dynamique est obtenu à l’aide d’objectifs de différentes focales spécialement conçus pour répondre aux objectifs de l’artiste, conférant à ses œuvres une certaine qualité picturale. La lecture de ces images doit se faire de manière incrémentale plutôt que synoptique.
Comme pour la photographie de Mylayne, les copies exactes n’existent pas dans la nature. Pointant vers une individualité reconnaissable chez ses sujets, le « A » dans A 7, novembre 2006 – Mars 2007 (2006/2007) signifie ami. L ‘«ami» est un oiseau bleu vif aux plumes brillantes qui se trouve au centre d’un arrière-plan uniformément flou. Évoquant également la familiarité, une série de cinq photos – réalisées en février et mars 2008 – capture une mésange à huppe grise sous différents angles alors qu’elle inspecte l’objectif de l’appareil photo. Affichant le sens de l’humour avec lequel l’artiste conçoit ses mises en scène, la répétition du motif ajoute à l’effet amusant. La couleur est également utilisée pour générer du rythme dans une esthétique sobre ; des touches de rouge – dans le plumage d’un rouge-gorge ou un buisson en fleurs – parcourent une rangée d’images exposées. Un tel oiseau rouge engage le spectateur par son regard direct et sa posture hésitante dans N° 540, Mars Avril Mai 2007 (2007). Encadré au centre absolu d’une image autrement très floue, l’oiseau se retrouve dans le réticule des ombres créées par les arbres environnants – sans doute une allusion aux lignes qui structurent la composition dans l’esprit du photographe et le viseur de l’appareil photo. Bien que cet oiseau particulier rende difficile de ne pas supposer qu’il avait quelque chose à demander au spectateur, Mylayne n’a aucun intérêt à anthropomorphiser ses sujets aviaires. Au lieu de cela, le thème récurrent de ses œuvres est la sagesse innée qui peut être détectée dans les systèmes et les cycles de la nature.
Établissant un lien avec les débats actuels sur l’impact négatif de l’activité humaine sur la planète, la photographie de Mylayne – avec sa singularité et sa défaveur d’un point de fuite – semble demander au spectateur d’adopter un point de vue différent, celui qui réfute la perspective anthropocentrique. Une notion reflétée dans la mise à l’échelle individuelle des œuvres qui fait référence au spectateur ainsi qu’à l’oiseau représenté à l’intérieur ; un oiseau n’apparaît jamais plus gros sur une photo qu’il ne l’est en réalité. L’insistance impressionnante sur un sujet tout au long d’une longue carrière a suscité des observations poétiques distinctives qui suscitent un large éventail de lectures et de significations possibles. Une réflexion sur notre époque actuelle de l’Anthropocène, la confiance implicite dans ces photographies laisse les spectateurs avec beaucoup de choses à considérer.
Jean-Luc Mylayne (*1946, Marquise) vit et travaille dans le monde entier. Les expositions personnelles sélectionnées incluent Kestnergesellschaft Hanovre, Hanovre (2020), Fondation Vincent Van Gogh, Arles, Aargauer Kunsthaus, Aarau, Long Museum, Shanghai (toutes 2019), The Art Institute of Chicago, The Arts Club of Chicago, Lurie Garden, Millennium Park , Chicago (2015), Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofia, Madrid (2010), Musée d’Art contemporain de Lyon (2009), Parrish Art Museum, Southampton, New York (2007–2009), Lannan Foundation, Santa Fe , NM (2004, 2005, 2010), Musée des Arts contemporains, Grand-Hornu (2004), Musée d’Art moderne de la Ville de Paris (1995), Musée d’Art moderne, Saint-Étienne (1991). Parmi les expositions collectives importantes, citons la Hayward Gallery, Southbank Centre, Londres (2020), le S.M.A.K., Gand (2017), la 54e Biennale de Venise (2011), le Neues Museum Weserburg, Brême (1998), la 10e Biennale de Sydney (1996), le Kunsthaus Zürich, Zurich (1995).
Jean-Luc Mylayne : Mirror
2 juin – 29 juillet, 2023
Sprüth Magers
7A Grafton Street
London, W1S 4EJ
www.spruethmagers.com