Rogério Reis (Rio de Janeiro, 1954) occupe une place à part sur la scène photographique brésilienne. D’abord photographe de presse puis éditeur photo, il couvre, dès le déclin de la dictature militaire à la fin des années 1970, des événements décisifs dans le processus de démocratisation du pays.
Ces métamorphoses sociales et politiques, il va les documenter depuis Rio, ville à la topographie extraordinaire qui rassemble les merveilles ainsi que les misères de cette civilisation tropicale en permanente réinvention qu’est le Brésil. Et avec ce Brésil, le photographe lui-même se réinvente, son travail devenant au fil du temps plus subjectif et plus artistique, tout en demeurant l’expression d’un regard critique sur sa ville natale et sur ce qu’elle a d’essentiellement brésilien.
A la fin des années 1980, Rogério Reis photographie les exploits des jeunes des banlieues qui défient la mort en surfant sur des trains en mouvement. A cette même époque, il installe un studio en plein air afin de documenter le carnaval de rue et d’en capter l’imaginaire collectif. Il s’intéresse aussi au football, cette irrémédiable passion que l’anthropologue Darcy Ribeiro définit comme « la patrie du Brésilien ordinaire ». Chroniqueur de la rue, il enregistre le quotidien de la ville, où le clivage social est flagrant. Dans les années 2010, Rogério Reis observe l’évolution du comportement de la population vis-à-vis des photographes dans la série Personne n’appartient à personne.
Le livre Olho nu (« L’œil nu »), édité par le photographe João Farkas et publié à Sao Paulo par l’Institut Olga Kos, présente une sélection d’images réalisées au cours des quarante dernières années, dont une partie, inédite, émane d’un nouveau regard posé sur les archives de l’artiste.
Cristianne Rodrigues
Commissaire d’exposition