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L’Oeil Argentique : Marc Jeudy par Jacques Revon

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Originaire d’Is-sur-Tille en Côte d’Or, Marc Jeudy, petit fils et fils de photographes, part en 1964 apprendre le métier de photographe à Dijon chez un dénommé Raymond Cougard photographe portraitiste, ancien Photographe salarié du prestigieux Studio Harcourt à Paris.

Plus tard, Marc succède à son père installé à Is-sur-Tille. Marc se passionne pour les portraits en noir et blanc, dont il dit encore “qu’il faut toujours s’y consacrer pleinement”. Il présente ses oeuvres sur de très beaux papiers photographiques barytés aux sels de bromure ou chloro-bromure d’argent.

Le bourguignon a une seconde corde artistique à son arc, il compose des photographies dites « natures mortes », qu’il façonne dans son laboratoire en utilisant des procédés photographiques anciens, des virages aux métaux et par “sulfuration”.

Durant sa carrière, il rencontrera plusieurs fois le grand photographe Denis Brihat, lauréat du prix Niépce en 1957, aujourd’hui âgé de 95 ans, spécialiste des « virages » véritables métamorphoses de l’argentique. En 1989 et durant une semaine, Marc Jeudy à ses côtés, approfondit la magie des différents virages.

L’artiste bourguignon va y consacrer beaucoup de temps. Il réalise des tirages en ton sépia, bleu, vert, comme aussi des tirages au sélénium, au sulfate de cuivre, ou à l’argent colloïdal…approche en laboratoire mélangé de patience et de précision, ou l’homme perd à chaque fois totalement la notion du temps. Il lui faut souvent des jours pour obtenir le tableau photographique, celui qu’il a personnellement imaginé.

Aujourd’hui, Marc Jeudy continue de créer chez lui, à Villecomte, sans aucun doute, l’un des derniers professionnels de cette histoire ancestrale passionnante des virages, en noir et blanc sur un fond parfaitement blanc en “high key”: c’est sa signature.

Pour ses prise de vues, il utilise aussi des boîtes à lumière ou une vitre sur laquelle il fixe à sa façon de petits objets. Comme ici, la capsule séchée d’une fleur de coquelicot. Marc Jeudy a très vite choisi le format 6X7.

Son boitier Mamiya c’est son appareil privilégié, équipé d’un objectif de 127 mm agrémenté d’une bague macro. Pour le portrait, il utilise une focale de 180 mm. Il préfère l’éclairage des flashs électroniques. L’émulsion argentique qu’il privilégie et qu’il affectionne s‘appelle Ilford FP4. La pellicule de format 120 d’une sensibilité de 125 ISO, c’est l’émulsion dont il espère que, comme pour les très beaux papiers barytés de la même marque, elle ne disparaitra pas.

Les oeuvres, des tirages photographiques de « signature Marc Jeudy » sont réalisées en format, 30×40 ou 40×50 et là aussi, les boîtes de papier baryté ne sont plus monnaie courante et d’ailleurs de plus en plus cher. C’est donc ici à Villecomte en Côte d’Or, dans son laboratoire, que Marc Jeudy matérialise dès le développement d’une pellicule, toutes les opérations chimiques et magiques. Les tirages avec virages, sont par définition de très longue conservation, ce sont des images uniques, « fruits » de son imagination. D’ailleurs, avant même d’effectuer une prise de vue destinée plus tard à un tirage qui sera viré, Marc Jeudy imagine déjà ce qu’il faudra ou non plus tard, détourer sur le tirage, afin que le cadrage à la prise de vue soit parfaitement adapté à cette future opération.

Sous l’agrandisseur, le négatif noir et blanc de format 6X7 est donc projeté sur une feuille de papier au chloro-bromure, puis se succèdent les opérations d’un traitement classique de la feuille de papier photographique.

Pour réaliser un « virage », une deuxième magie doit alors s’opérer et plusieurs solutions chimiques sont possibles afin d’obtenir un tirage viré de la couleur désirée. L’or va transformer le gris en rouge. Le fer, lui, le transformera en bleu ou en vert avec l’addition d’autres produits nécessaires au moment même du virage. Enfin, l’argent va transformer le gris en brun. Ces choix demandent énormément de temps de pratique.

Certaines couleurs souhaitées, exigent que le tirage soit parfaitement lavé, séché puis ensuite détouré avec un vernis spécial de protection dit de « réserve » et maintenant disons-le très difficile à se procurer. Ce vernis, l’artiste va le déposer délicatement à l’aide d’un petit pinceau sur certaines parties de l’image qu’il ne veut pas qu’elles soient virées et donc qu’il va protéger ainsi lors de la sulfuration, afin de parvenir à la couleur qu’il désire. Après ces longues successions de manipulations et à l’aide d’alcool à brûler,

il enlève délicatement le vernis protecteur des parties non virées, puis effectue un dernier lavage à eau courante. Le processus vous le constatez est très long.

En fin de parcours, Marc Jeudy prendra soin de numéroter son oeuvre unique, et l’a signera toujours au crayon à papier.

La photographie est quant à elle collée sur un carton au pH neutre, puis présentée sous un beau passe-partout cartonné lui aussi au pH neutre, puis définitivement montée et livrée dans un cadre.

Toutes les photographies imaginées, crées et prises par Marc Jeudy sont de subtils et véritables « tableaux argentiques » tous témoins de ses expériences, d’un savoir ancestral qu’il a su avec perfection enrichir au fil des années de sa vie.

Jacques Revon
Journaliste honoraire, auteur, photographe.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Revon

 

Marc Jeudy présentera entre autre 21 nouvelles oeuvres en format 40×50 montées 60×75 sur passe-partout.

Exposition du 25 novembre au 17 décembre. Salle d’exposition Espace culturel Carnot, 1 avenue Carnot 21120  IS-SUR-TILLE

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