Jacques Revon explore dans ce chapitre le tirages sur papier au gélatino-bromure de photogrammes développés en cuvette dans des révélateurs alternatifs au café, au vin et à la sauge.
« La photographie argentique est initialement authentique car le négatif lui demeure, même si un jour il est scanné et devient donc numérique au risque on le sait, d’être plus tard manipulé. » – JR
En poursuivant mes essais et recherches en matière de développement dans des révélateurs dits alternatifs écologiques et, après avoir testé dans ces révélateurs plusieurs films et pellicules de différentes sensibilités et dans diverses conditions, en extérieur comme en intérieur, j’ai souhaité pour la première fois développer dans ces révélateurs, des tirages papiers dont les émulsions sont couchées sur des supports barytés ou RC.
Mes premières observations.
Je me suis rendu compte assez vite que ce travail s’avérait plus complexe.
En effet, par définition un papier photographique ne réagit pas du tout comme un film.
Il n’est déjà pas transparent comme l’est un support de pellicule ou celui d’un film. Les supports sont cette fois opaques. Pour ces essais, j’ai utilisé ici des papiers anciens très bien conservés de marque Leonar en cartoline baryté (FB) et en résine coated imperméable (RC) de type Ilford Ilfospeed .(photo)
La sensibilité des émulsions argentiques couchées sur ces supports papiers est très faible, entre 3 et 5 ISO. Dans mes essais, j’ai dû initialement réfléchir à, comment aborder et résoudre ces paramètres différents de ceux adaptés aux émulsions couchées sur un support film transparent.
Après un premier essai de tirage classique, c’est à dire avec un temps de projection moyen de 30 secondes de la lumière de mon l’agrandisseur, à travers un négatif de densité normale, à pleine ouverture f 5,6 puis développé dans ma cuvette remplie de mon révélateur alternatif au café à 21°, j’ai constaté qu’il ne se passait rien ou pas grand chose. Pas d’image apparente sur ma feuille malgré une forte augmentation du temps de développement (7 minutes au lieu de 2 à 3 normalement).
Lors d’un autre essai, j’ai donc décidé de projeter mon négatif sur un papier au gélatino-bromure de support épais, en programmant un temps de pose de 2 minutes. Ensuite, je l’ai cette fois développé, à une haute température de 27°, en choisissant la même durée de développement, 7 minutes, tout en espérant qu’il n’y ait pas de voile de fond. ( photo ).
Pour maintenir mon révélateur à cette température n’ayant pas de résistance chauffante, j’ai dû placer ma cuvette de format 18X24 dans une seconde cuvette un peu plus grande, pour réaliser un bain-marie, cette dernière étant remplie d’une eau chaude à 32°, me permettant ainsi de conserver à peu près la température choisie de 27° (photo).
J’en ai conclu et, là vous vous en doutez, que cette approche n’était pas très facile à gérer, le résultat lui, ne devenant pas forcément reproductible. (photo). A cela venait s’ajouter un temps trop long d’exposition avec des conséquences que l’on imagine: la lampe de mon agrandisseur chauffait de manière excessive le condenseur et, l’ampoule risquait elle de « griller ». Quant à mon révélateur au café, il s’oxydait trop vite avec l’agitation nécessaire de ma feuille de papier; résultat une perte de ses qualités de développeur.
Après ces constatations, je décidais de surseoir un temps à mes essais.
Un peu plus tard, j’ai donc opté pour un autre mode opératoire, en choisissant cette fois de réaliser des photogrammes. La méthode d’exposition s’effectue directement par contact, donc plus de négatif dans l’agrandisseur. (photo).
Pour mes essais de tirage, j’ai exposé la feuille de papier de format 18X24, avec la projection du faisceau lumineux directement au dessus des objets que j’avais choisis et précédemment posés et positionnés sur le papier. J’ai développé ces tirages d’abord dans du café, ensuite dans du vin puis enfin dans un révélateur à la Sauge. (photos).
Certes, j’ai dû là aussi exposer le papier un peu plus longtemps mais dans ce cas, les temps de pose devenaient plus raisonnables, de 30 secondes à 1mn 30 selon le type de papier choisi. RC ou baryté (photos).
Le développement proprement dit s’est effectué comme précédemment, toujours à une température élevée de 27° avec l’utilisation de mon bain-marie d’eau chaude à environ 30°, dans lequel j’ai positionné par flottaison, la cuvette de mon révélateur alternatif. (équilibre).
Conseil: au fur et à mesure de vos développements n’oubliez pas de vérifiez le degré et, si besoin, rajoutez un peu d’eau chaude pour maintenir la température conseillée, si comme moi vous n’avez pas de résistance chauffante.
La durée du développement avoisine encore les 7 minutes, mais nous sommes là dans une toute autre démarche, celle d’une recherche créative, et non pas dans la situation d’un tirage à réaliser de manière courante.
Seul le critère d’usure et donc d’oxydation du révélateur causé par le nombre de surfaces de papiers développés, doit vous imposer un temps maximal d’emploi de votre révélateur alternatif.
Je vous invite à travailler de manière rationnelle et reproductible, en notant le nombre de feuilles du format que vous développez pour obtenir des résultats satisfaisants, et de définir ultérieurement une base de travail.
Rappelez-vous qu’avec l’agitation des feuilles dans votre cuvette, l’oxydation d’un révélateur alternatif s’accélère, en comparaison avec le développement d’une pellicule en cuve fermée ou dans un révélateur dit standard. Enfin n’oubliez pas des gants ou des pinces pour manipuler vos produits.
Sachez que les révélateurs alternatifs écologiques quels qu’ils soient, sont sans conservateur, et donc qu’ils s’oxydent assez vite, ils ne se conservent pas. Vous noterez également qu’ici, les tirages acquièrent grâce à ces différents révélateurs alternatifs, une couleur qui s’imprègne dans l’émulsion et dans le support baryté, couleur qui dépend de l’ingrédient du révélateur que vous aurez choisi d’utiliser. On obtient ainsi un « virage » qui là encore, est naturel et pas désagréable. Les résultats sont interessants et agréables au regard.
Enfin, cette approche alternative écologique abordable et créative des photogrammes, pourrait être selon moi, proposée à des élèves pour une découverte de cette magie qu’est la photographie argentique.
Méthode pour fabriquer un révélateur alternatif à la Sauge destiné au développement papier.
Deux préparations, A et B.
18 gr de feuilles aromatiques de Sauge séchée, sans les tiges, seront ici nécessaires.
A. Décoction de l’herbe aromatique Sauge, préparation A.
- Mettre les 18 gr de feuilles de Sauge séchées dans 700 cc d’eau déminéralisée froide puis les laisser s’imprégner durant 10 minutes.
- Ensuite porter l’ensemble à ébullition, et laisser la décoction s‘effectuer tranquillement sans bouillir, durant 10 minutes. (remuer les feuilles de temps en temps).
- 3. Laisser refroidir le liquide obtenu, puis le filtrer une première fois à l’aide d’une passoire assez fine.
B. Dissolution de la préparation B.
Dissoudre doucement dans 400 cc d’eau déminéralisée dans l’ordre à une température de 22°, les deux produits ici nécessaires à la confection du révélateur .
A savoir: 95 grammes de carbonate de sodium, puis 15 grammes de vitamine C.
Pour le développement d’une feuille de papier photographique, il n’est pas forcement nécessaire d’ajouter du sel iodé comme lorsque l’on développe un film ou une pellicule dans un révélateur alternatif.
Ensuite, bien filtrer la préparation.
C. Bien mélanger les deux préparations A et B puis filtrer une fois encore le mélange prêt à l’emploi.
D. Développement du papier à 27 ° avec un bain-marie d’eau chaude à 30° pour maintenir la température du révélateur ou utiliser une petite résistance chauffante pour réguler la température.
Jacques Revon
Journaliste honoraire, auteur, photographe.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Revon