Il m’aura donc fallu un peu plus de deux années de recherches et d’essais pour arriver à concevoir une chaine complète de développement noir et blanc pour les émulsions papiers, un révélateur, un bain d’arrêt et un fixage. Pour les films et les pellicules, j’étudie encore l’opération de fixage plus délicate, avec un fixateur alternatif au jus d’oignon et ciboulette.
Au cours de ces deux années, j’ai procédé par de nombreuses mises au point successives.
J’ai tout d’abord utilisé des pellicules périmées comme également des papiers périmés qui, ces derniers, m’ont toujours donné des résultats que je constatais et considérais comme corrects. Mes différentes émulsions avaient été bien conservées, au sec, à l’abri de la lumière et protégées le mieux possible des variations de températures.
Il suffisait simplement pour leur utilisation de systématiquement abaisser de moitié leur sensibilité.
Cela faisait partie aussi des paramètres que j’avais décidé d’intégrer dans mes recherches et ce, surtout, par soucis d’économie. Je ne vous cacherai pas qu’à ce jour, j’ai ainsi utilisé 220 films et pellicules dans deux formats, 24×36 et 6×6.
Quant aux papiers barytés de différentes gradations, j’avoue ne jamais avoir compté le nombre de feuilles périmées en format 13×18 et 18×24.
Avec des produits naturels différents, je me suis vite rendu compte que les températures et les durées de développement auraient un rôle important à jouer. En effet, mes fiches et recettes déjà publiées sur l’Oeil de la Photographie en témoignent.
A l’évidence, les différents composants et substances actives que l’on retrouve dans des produits naturels: tannins condensés, flavonoïdes, composés phénoliques, polyphénols, vitamines, etc…apportent individuellement leur concours dans un développement argentique mais à des températures bien plus hautes que celles que l’on a pour habitude et d’ordinaire de programmer avec les révélateurs photographiques issus de la chimie.
C’est ainsi que je développe couramment des films ou pellicules noir et blanc entre 24°à 26°. Quant aux papiers barytés, par exemple au chloro bromure, le temps d’exposition est un peu plus long et la température de leur développement approche le plus souvent 30 à 33°. La durée de développement est également un peu plus longue, pour les films et pellicules autour d’une quinzaine de minutes.
Pour développer à ces hautes températures, j’emploie toujours un bain-marie qui me permet de maintenir ces hautes températures durant toute la durée du développement.
Pour le développement d’un film en cuve, je trempe par moment la cuve dans un récipient bain-marie, tout en surveillant l’évolution de la température avec un petit thermomètre de cuisine.
Dans le cas du développement d’un tirage papier, je place ma cuvette de révélateur dans une autre cuvette un peu plus grande qui fait office de bain-marie, c’est la seule manière à ce jour de ne pas laisser trop longtemps une feuille de papier baryté dans un révélateur alternatif et, d’ainsi, favoriser son développement.
Au début de mes expérimentations les temps de développement étaient trop longs. Je rappelle aussi que les révélateurs alternatifs naturels ne se conservent pas, ils sont par définition à usage unique.
Avec mes différents révélateurs alternatifs, j’arrive maintenant à développer une feuille de papier baryté entre 4 et 6 minutes et ce sans problème particulier. Pour cela, il m’a fallu ainsi adapter la formule de mon révélateur papier, en augmentant un peu la quantité de vitamine C, elle a le rôle d’un co-développeur, un effet superadditif, sans oublier son action de conservateur dans la totalité du processus.
A noter que mes révélateurs fabriqués ne sont pas, selon les produits de base ( café, vins, ) d’ordinaire transparents, il faut donc apprendre à visualiser différemment l’évolution de l’image qui évolue dans ces produits le plus souvent d’une couleur foncée, c’est une question d’habitude et, disons le aussi, d’un peu d’observation et de patience.
En revanche, il faut prendre le soin d’agiter la feuille de papier dans votre cuvette de manière permanente dans les deux sens ( longueur et largeur), afin d’éviter les risques de marques ou de taches qui pourraient se développer.
Je conseille également une fois l’image révélée et avant de déposer la feuille dans un bain d’arrêt de vinaigre blanc à 14°, de passer rapidement la feuille dans une cuvette d’eau, afin de déjà éliminer l’excès de produit naturel demeuré en surface de l’émulsion du tirage.
Ensuite, c’est l’opération classique de bain d’arrêt et enfin de fixage.
Pour le fixage alternatif dans un jus d’oignon, je conseille, là aussi, de retourner la feuille plusieurs fois puis de laisser votre tirage fixer au moins 7 à 8 minutes avant de le mettre à laver. En effet, le thiosulfate contenu à l’origine dans la composition d’un oignon, permet on le sait, de fixer une image argentique, mais le temps de fixage dans cette approche alternative expérimentale n’est pas facile à déterminer.
Pour s’en rendre compte, il faudrait disposer le tirage une fois séché, face à une source lumineuse ( derrière une vitre par exemple) pour observer si, au fil du temps, le tirage ne s‘assombrit pas. Si tel est le cas, ce sont les halogénures d’argent, au départ non exposés, qui créent ce noircissement. On peut alors malheureusement en conclure que le tirage en question n’a donc pas été suffisamment fixé.
A ce jour, je n’ai malheureusement pas réussi à obtenir auprès d’institutions spécialisées dans cet aliment, de données précises quant à la quantité de thiosulfate contenu initialement dans un oignon blanc. C’est un peu dommage! j’aurais souhaité mieux évaluer la durée de l’opération de fixage et peut-être, appréhender plus précisément l’efficacité d’un fixateur alternatif écologique. Qui sait, peut-être un jour aurons-nous une réponse?
A ce niveau, il est d’ailleurs important de vous préciser, qu’il faudra bien entendu du temps pour évaluer de manière juste la conservation d’un tirage fixé dans ce fixateur alternatif au jus d’oignon et de ciboulette ( famille des Alliacés).
On constate aujourd’hui dans nos anciens albums de famille, que la qualité de conservation des tirages datant de plus d’un siècle ne nous apparait pas uniforme.
Je précise également, après mes essais, que les oignons jaunes des Cévennes ou rouges de Roscoff ont tendance à colorer le support des papiers barytés au séchage.
Il y a les « pour » et les « contre » et d’un autre côté, c’est aussi l’occasion ici, avec le mélange de certains révélateurs alternatifs, d’obtenir des virages tout à fait naturels, on pourrait même parler de photographies traitées à « l’ancienne »!
Le pH du révélateur alternatif fabriqué est important.
Pour un révélateur alcalin standard, le pH devrait d’ordinaire se situer entre 9 et 11 d’où la nécessité de se procurer pour suivre ses propres fabrications soit, des bandelettes pH ou des papiers tests colorés pH entre 0 et 14, soit, ce qui est plus pratique, un stylo testeur pH-mètre, (on en trouve aujourd’hui autour de 60 euros ). C’est ce que personnellement j’ai décidé d’utiliser.
NB: Important à savoir lors de vos mesures de pH.
Un pH trop bas en dessous de 8, peut ralentir le processus de développement et ne pas permettre à votre émulsion d’être totalement et correctement développée.
Un pH à l’inverse trop élevé, au dessus de 11,5, peut endommager la couche photosensible de votre émulsion, occasionner une formation de grains avec un risque celui de sur-développer votre film.
Il est donc conseillé, au fur et à mesure de la fabrication de vos révélateurs, de suivre l’évolution de votre pH et la plupart du temps, pour obtenir un révélateur classique alcalin, de choisir d’intégrer dans votre formule une solution dite « tampon ».
Par exemple de diluer en plus, après le carbonate de calcium, du bicarbonate de soude. Dans la formule que vous aurez décidée, essayez par exemple un rapport de 1,0 gramme de carbonate de sodium pour 1,4 gramme de bicarbonate de soude, ce qui devrait vous permettre ensuite d’obtenir un pH avoisinant 9.
Ainsi, l’ensemble de votre révélateur alternatif devrait au final approcher un pH qui se situera entre 9,5 et 10,5. C’est d’ordinaire l’échelle de valeur des bains de développement chimiques standards courant .
Pour poursuivre mes recherches, je vais commencer à développer dans ma chaine alternative, des tirages réalisés avec des papiers neufs dits à contrastes variables. Beaucoup d’entre vous les connaissent, comme les papiers Multigrades RC.
C’est promis, je vous tiendrai au courant de mes futurs essais.
Je joins à cette publication, des photographies effectuées dans des conditions différentes ( reportage en extérieur ou en intérieur, nature morte…) dont les pellicules ont été développées cette fois dans trois révélateurs alternatifs différents, du jus d’orange, de la lavande et du mimosa. Egalement, un tirage baryté développé à haute température 29° dans un révélateur alternatif au café et dont le négatif avait été précédemment développé dans un révélateur aux fleurs et feuilles de Mimosa.
Enfin en primeur, un tirage baryté développé dans ma chaîne alternative complète: développement à haute température 33° dans un révélateur aux fleurs et feuilles de Mimosa, bain d’arrêt au vinaigre blanc à 14° et enfin le fixage dans du jus d’oignon et de ciboulette pendant 8 minutes.
Selon les sujets que j’ai traités, j’ai choisis des produits différents pour fabriquer mes révélateurs alternatifs. Le but étant d’obtenir un grain d’image agréable adapté à chaque démarche.
Enfin, je souhaite dans cet article sincèrement remercier toute l’équipe de l’Oeil de la Photographie qui m’a, au fil du temps, encouragé à investiguer dans ce domaine photographique alternatif, dans lequel je souhaitais par simple curiosité et depuis longtemps m’investir.
Depuis le début ,l’Oeil de la Photographie publie mes fiches / recettes.
Egalement remercier le Professeur Scott Williams, grand chercheur américain en chimie inorganique. En 1995 il a, avec ses élèves de l’Institut de Technology de Rochester, découvert que l’on pouvait développer un film noir et blanc dans du café! Le cafénol.
Aujourd’hui encore et, depuis deux années, il suit de près mes essais et recherches, me soutient et n’hésite pas à me conseiller.
Jacques Revon
Journaliste honoraire, auteur, photographe.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Revon