Mes recherches sur des révélateurs alternatifs évoqués à l’Institut Universitaire de la Vigne et du Vin.
Avant de vous donner mes trois fiches / recettes de cette semaine, voici quelques notions techniques recueillies auprès de Natalia Quijada Morin* Maître de conférences à L’Institut de la Vigne et du Vin à Dijon.
Première observation. Dans les différents ingrédients que j’emploie pour concevoir mes révélateurs alternatifs, j’utilise que des vins rouges dont le PH se situe entre 3,4 et 3,6, car ils sont 20 à 50 fois plus riches en composés phénoliques que les vins blancs.
Seconde observation. Globalement les pays chauds et les cépages méridionaux français comme par exemple le Cabernet Sauvignon, la Syrah, le Merlot, le Mourvèdre, le Tannat et d’autres encore, sont tous très riches en tanins et colorés, favorables pour augmenter la teneur en composés phénoliques totaux on en dénombre plus de 10 000 qui se divisent en plusieurs groupes.
Les tanins condensés, extraits de pépins ou de la peau des grains de raisin. Ils améliorent la structure lors du vieillissement du vin.
Les anthocyanes, colorants naturels de couleur rouge ou mauve que l’on retrouve également dans des fruits comme le cassis, les myrtilles, dans les pétales…
Les flavanols, tels que la quercétine ou le kaempférol qui ont une forte capacité anti-oxydante
Les acides phénols, sont aussi des antioxydants.
La teneur en composés phénoliques est surtout variable selon le type de terroir, le millésime, la maturité, sans oublier les techniques de vinification utilisées plus ou moins extractives.
Enfin, les vins rouges jeunes sont dans mes recherches à préférer, car le vieillissement est souvent lié à une baisse de la teneur en composés phénoliques.
A noter que les vins forts en alcool sont souvent plus riches en tanins.
Dans mes recherches actuelles avec ici des ingrédients comme les vins issus de 5 cépages différents, Pinot noir, Gamay, Baco, Petit-Verdot et Banyuls, les tanins seraient sans doute des éléments importants qui concourent à obtenir de bons résultats photographiques, à savoir des négatifs bien contrastés et riches en gammes de gris. Les grains d’argent observés sont assez bien liés.
Dans mes essais, et après discussion et observations diverses, Il semble donc que les tanins condensés favorisent de bonnes réactions au contact avec la gélatine d’une émulsion photographique argentique. Il faut également remarquer ici que l’oxydation d’un révélateur alternatif est assez rapide. Pour ralentir l’oxydation, j’ajoute en début de ma préparation 10 à 15 ml de Bisulfite de potassium à 5%, employé en oenologie. C’est un antioxydant et un bactéricide.
Reste que d’une manière générale et ce, quelque soit l’ingrédient de départ utilisé pour la fabrication d’un révélateur alternatif naturel, des variations sur l’origine de l’ingrédient, une qualité plus ou moins suivie dans sa fabrication, comme pour d’autres paramètres, pourront avoir des conséquences dans le suivi, en favorisant ou pas, l’élaboration d’un révélateur alternatif.
Le côté reproductible d’une fabrication demeure encore dans ces recherches une incertitude.
En effet, on constate que dans cette aventure de recherche photographique particulière, la méthode de travail demeure en conséquence assez empirique.
Après des essais concluants et pour mettre le maximum de réussites de votre côté, il faudra essayer de conserver un même producteur de l’ingrédient que vous aurez choisi, afin d’acquérir ultérieurement une technique maitrisée la plus régulière possible. A noter enfin pour information, que dans toutes mes recherches, le carbonate de sodium, produit majoritaire dans la composition des révélateurs alternatifs, s’avère l’élément pilote au niveau du pH final, il permet d’obtenir un produit révélateur alcalin dont le pH se situe autour de 9 à 10.
Après mes essais de développement dans des vins issus des cépages Pinot Noir et Baco Noir.
Voici le développement dans trois autres cépages.
Petit-Verdot, Banyuls et Gamay.
Développement dans un vin de cépage Petit-Verdot.
Fabrication: Pour développer un film 24X36, j’utilise 400ml de vin auquel j’ajoute en premier, 10 ml de bisulfite de potassium à 5% pour ralentir l’oxydation.
Je dissous ensuite dans les 410 ml, 10 grammes de vitamine C puis 45 grammes de carbonate de sodium et enfin 6 grammes de sel iodé. Comme à chaque fois, j’ajoute 3 gouttes de photoflo pour faciliter l’action du révélateur dans l’émulsion.
Développement d’une pellicule Foma 400 ISO,
Prise de vue par temps gris et pluvieux avec un boitier Nikkormat objectif 50 mm.
Température de développement 25° durée 18 mn.
Observation: le grain argent est assez serré mais relativement apparent.
Développement dans un vin AOC Banyuls 17°.
Cépage à 90% Grenache noir et 10 % Carignan vielles vignes.
C’est grâce à des échanges téléphoniques techniques avec un photographe professionnel, Pierre Café, issu d’une famille de viticulteurs de Banyuls, que j’ai eu l’opportunité d’effectuer un test avec du Banyuls pour connaitre les rendus photographiques de l’un de ses vins.
J’ai donc testé et développé pour cet essai, un film de format 6X6 Rollei 400 ISO.
Fabrication: J’ai utilisé une fabrication identique à celle mise en forme lors du développement dans le vin cépage Baco noir déjà testé (voir mon article ODLP du 24 février 2024.) https://loeildelaphotographie.com/fr/loeil-argentique-jacques-revon-le-revelateur-alternatif-ecologique-confectionne-avec-du-vin-baco-noir/
J’ai développé une première fois à une température de 25° et durant 28 mn .
Un deuxième essai a été réalisé avec une bande de 12 vues d’un film Rollei 135 / 100 ISO.
Un développement long sans agitation permanente, dit en Stand-Dev, durée 60 mn à 22°. Le résultat est interessant mais j’observe globalement une moindre définition dans l’image en comparant mes résultats avec ceux obtenus précédemment dans l’ingrédient Cacao ou dans la Chicorée dont je vous parlerai prochainement.
Développement dans un vin de cépage Gamay.
Fabrication: Pour développer une pellicule de format 6X6, j’emploie ici 600 ml de vin de cépage Gamay bio auquel j’ai ajouté en tout premier, 15 ml de bisulfite de potassium à 5%. J’ai ensuite dissous dans l’ordre, 10 grammes de vitamine C, puis 50 grammes de carbonate de sodium et 8 grammes de sel iodé.
Enfin, comme toujours j’ai ajouté 3 gouttes de photoflo.
Pellicule Rollei 400 ISO de format 6X6.
Prise de vue de fleurs par temps gris voilé avec un appareil Rolleiflex muni d’une bonnette Rolleinar numéro 3, d’où ici une absence de profondeur de champ recherchée avec une exposition à grande ouverture.
J’ai choisi là encore, un développement en Stand-Dev durant 60 mn à une température de 22°.
Dans ce choix de mode de développement, on préconise durant toute la première minute de développement une agitation par rotation de la cuve et ensuite on laisse reposer. Au bout de 30 minutes de développement, après avoir vidé puis rempli de nouveau immédiatement la cuve avec le révélateur pour le mélanger, il faut effectuer une seconde agitation par rotation de la cuve durant une minute, puis laisser reposer la cuve jusqu’à la fin des 60 minutes de développement.
Jacques Revon
Journaliste honoraire, auteur, photographe.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Revon
*Natalia Quijada Morin,
Enseignante-Chercheur, Maître de conférences à l’IUVV Jules Guyot
Université de Bourgogne.