Le Palais des Doges, résidence du Doge depuis 1339 et aujourd’hui centre culturel majeur, se situe au cœur de Gênes, ville moderne qui coïncide avec celle de l’ancienne et puissante République maritime. C’est ici qu’est présentée l’exposition « Extrêmement proche, incroyablement loin », un hommage à l’artiste et photographe génoise Lisetta Carmi à l’occasion du centenaire de sa naissance. Une exposition incontournable car elle est (tout simplement) passionnante, aussi passionnante que la vie et l’œuvre de Lisetta Carmi, qui a su exprimer son art et sa créativité en empruntant différents chemins, de la musique à la photographie. Et parce qu’elle est l’occasion de découvrir le travail d’une artiste qui a marqué l’histoire de la photographie.
Née à Gênes en 1924 et diplômée du Conservatoire de Milan, elle se tourne vers la photographie en 1960, presque par hasard : elle interrompt sa carrière de concertiste pour travailler comme photographe de scène au Teatro Stabile et fournir des images aux journaux (après les spectacles, elle les développe et les tire pour les publications du matin). Dans les années 1960, elle entreprend une étude approfondie du port de Gênes et un reportage sur la Sardaigne. De Gênes, elle entreprend des voyages, au cours des deux décennies qu’elle consacre à la pratique photographique, avec des reportages au Venezuela, en Inde, en Afghanistan, son objectif comme outil de compréhension du monde et de la condition humaine. Elle réalise ensuite une série de portraits d’artistes et de personnalités culturelles, de Joris Ivens à Charles Aznavour, de Luigi Nono à Jacques Lacan et Ezra Pound.
L’exposition, installée au Sottoporticato selon un style rappelant les expositions d’art contemporain, présente des images de ces œuvres, ainsi que celles issues de ses recherches qui ont pris forme dans la série I Travestiti des années 1960, publiée en 1972, qui a fait sensation et marqué la recherche photographique de nombreux artistes internationaux. Des images emblématiques que l’exposition nous permet de voir aux côtés de celles en couleur redécouvertes seulement en 2017. Également inédite, la version couleur d’Érotisme et autoritarisme à Staglieno, dans laquelle le célèbre cimetière génois devient, à travers son objectif, un portrait de la société bourgeoise du XIXe siècle, avec toutes ses contradictions, mettant en valeur la « façon » des personnages représentés sur les monuments funéraires, mais surtout la sensualité qui imprègne les représentations. A côté des images documentant le monde du travail avec Gênes – Port et l’Italsider, sont également exposées des images, celles de la série Anagrafe (Bureau d’état civil), dont certaines inédites.
Selon le commissaire d’exposition, Giovanni Battista Martini, l’exposition met en lumière les liens de Lisetta Carmi avec Gênes, ville où elle a travaillé comme photographe pendant une vingtaine d’années : « C’est de là qu’elle partait toujours pour ses voyages à travers le monde. Ses photographies témoignent de son amour et de sa compréhension des gens, ainsi que de son désir, en tant qu’être humain libre, de comprendre la réalité sans préjugés. En dialogue avec les photographies en noir et blanc, les images couleur, pour la plupart inédites, témoignent d’une approche différente à sa recherche photographique. L’attention portée à la physicalité des sujets s’étend à des réflexions poétiques, sans jamais perdre la portée politique et le pouvoir du médium photographique d’agir sur notre conscience. » « Il n’est pas surprenant que Lisetta Carmi soit aujourd’hui au centre d’une irrésistible redécouverte par le monde de l’art contemporain et soit considérée à juste titre comme l’une des photographes les plus importantes de la fin du XXe siècle », ajoute Ilaria Bonacossa, commissaire de l’exposition et directrice de la Fondation pour la culture du Palazzo Ducale.
Lisetta Carmi, qui a toujours donné la parole aux plus démunis, a également su raconter des réalités lointaines et des mondes en mutation, utilisant le pouvoir de la couleur comme du noir et blanc pour faire ressortir la « vérité » qui était le fil conducteur de son travail photographique. Comme elle le disait souvent : « Si on me demande “Qui t’a appris à photographier ?”, je réponds “La vie”. »
Lisetta Carmi Molto vicino, incredibilmente lontano / Extrêmement proche, incroyablement lointain (Silvana Editoriale) est le titre du catalogue qui présente un aperçu de son travail à travers près de 200 images, avec des essais d’Ilaria Bonacossa, Dominic Eichler, Jennifer Evans et Giovanni Battista Martini.
Paola Sammartano
Lisetta Carmi. Molto vicino, incredibilmente lontano / Extrêmement proche, Incroyablement lointain
Jusqu’au 30 mars 2025
Palazzo Ducale – Sottoporticato
Piazza Matteotti, 9
16123 Gênes
Italie
www.palazzoducale.genova.it