Coced, en russe, désigne le voisin, pas le voisin de palier comme on peut l’entendre en français mais plutôt le colocataire ou «flatmate» en anglais. En russe il n’existe pas de mot équivalent et pourtant la pratique de partager un espace de vie est très répandue. De l’héritage soviétique des appartements communautaires à de nouvelles formes de vie en communauté, je suis partie à la recherche de ces espaces de cohabitation à Moscou, Samara et Saint Petersburg.
Dans les appartements, l’œil de bœuf me laisse entrer. Suit le couloir interminable, colonne vertébrale du monstre, puis les chambres qui sont disposées de chaque côté, comme des épines dorsales. Au bout la cuisine, souvent petite, simplement équipée, une ou deux chaises autour de la table, un mégot ou plusieurs dans le cendrier. Les autres coced sont souvent absent lors de ma visite. Si on les croise le maximum auquel on puisse s’attendre est un « zdrasvitié » et encore, c’est souvent le craquement du plancher qui nous répond. Les coced ne sont pas des colocataires, mais presque des voisins de palier. Leurs présences s’apparentent à celles de fantômes. Dans le couloir ils se frôlent sans jamais court-circuiter la trajectoire de leur prochain. Un trajet bien millimétré dans un espace resserré. La chambre devient le refuge. Le lit, la fenêtre, la table où l’on travaille et où l’on mange forment un petit univers. On trouve des objets fétiches ou porte bonheur sur la table ou dans l’espace intermédiaire entre les deux fenêtres. Le lit occupe souvent la totalité de l’espace de la chambre. En bas de la tapisserie, les couvertures s’enroulent dans des motifs fleuris mais à cet endroit la tête est libre et les rêves peuvent se développer. Le vide et le silence se font seulement ici et libèrent l’imagination, celle qui peut faire les faire voyager hors de cette chambre. Un ailleurs.
Lise Dua