« Linda Tuloup est une taiseuse. Délicate taiseuse qu’on entend voler. Elle, plane plutôt. Mais pas du genre baba-cool. Elle est une rêveuse, les yeux ouverts. Depuis ses débuts dans la photo en 2007, cette titulaire d’un Dess de psychologie sociale propose à pas de velours un regard poétique sur le monde, qu’elle habille de songes et de baroque. Chacune de ses séries porte cette empreinte d’onirisme qui à force fait sa signature. Volontairement absente des colonnes de journaux (excepté quelques commandes pour le magazine de L’air), cette trentenaire préfère taper dans l’œil des galeristes et des collectionneurs qui suivent son envol avec délice. Sans tambours, ni trompettes, elle débute avec un holga en plastique pour des (sur) « impressions au pays des songes ». Ses portraits d’hommes-fleurs bercés, enchantés, endormis résonnent comme un manifeste. Elle fait ensuite, en 2009, poser une douzaine de jeunes filles sur un drap rose, le corps offert à un rayon de soleil, marquées au fer rouge par un mot. « Doucement », « t’es où », «dis-moi », « je te veux »…
Sa « chambre rose », le nom de sa série, oscille de nouveau entre rêve et réalité, songes et mensonges. Des amantes alanguies qui murmurent à l’oreille de spectateurs saisis par une douce brise de sensualité.
Ces filles, plutôt brunes aux cheveux longs, plutôt jeunes et fines dressent le portrait de Linda. Elles, c’est moi. Moi, c’est « attends » susurre-t-elle dans un autoportrait. Fin 2009, elle part en Inde. Sur les bords du Gange, à Varanasi, elle contemple l’eau, les lumières, les fleurs, les corps. Dans ses yeux se reflétent l’essence de son univers. Elle revient à Paris, tombe enceinte. Elle plonge alors dans un petit bassin fait maison « chairs et chers, parmi fleurs et lumière ». Dans l’eau, son « grand océan », les êtres s’abandonnent dans des images d’une rare beauté, flirtant avec l’éternité et puissantes de vérité. L’Inde est en elle. Son enfant est en elle. Délivrée, elle vient de débuter une nouvelle série où elle mélange des photos de forêt et de personnes portant des masques d’animaux. Des diptyques silencieux, élancés qui portent sa marque et témoignent d’un style et d’un talent indéniable. »
Stéphane Brasca