Célèbre avant tout pour ses photographies explicites de femmes ligotées, le photographe japonais, prolifique et controversé, Nobuyoshi Araki œuvre depuis presque 50 ans à complexifier et défier le statut de l’intimité en photo. Une nouvelle rétrospective de son œuvre s’ouvre ce mois-ci à New York. Intitulée The Incomplete Araki : Sex, Life and Death in the Work of Nobuyoshi Araki (« L’incomplétude d’Araki : Sexe, vie et mort dans l’œuvre de Nobuyoshi Araki »), elle revient sur l’ensemble de sa carrière. Quel meilleur endroit pour l’accueillir que le Musée du Sexe (MoSex) ?
Cette exposition met ainsi en lumière l’obsession d’Araki pour la tension entre l’intime et le public, l’autobiographique et le fictionnel. Celui qui a toujours considéré que la photographie devait être directe, sans faille et profondément personnelle, a créé une œuvre faite de photographies sexuelles explicites et controversées, mais aussi d’autres, qui exposent la vulnérabilité dans l’amour et dans la perte.
The Incomplete Araki analyse également la carrière du photographe en revenant sur les thèmes et les débats inséparables de sa production et de sa pratique. Tout au long de l’exposition, l’œuvre d’Araki s’accompagne ainsi des points de vue personnels de ses collaborateurs, de ses muses, critiques, fans et collègues photographes.
Araki est d’abord présenté à travers la notion de controverse, l’exposition s’interrogeant sur le fait que son œuvre ait été tristement célèbre, honnie et adorée, au Japon comme dans les communautés artistiques du monde entier. Ses photographies représentant des kinbaku-bi (緊縛美, cordes japonaises servant à ligoter) apparaissent comme chargées de tension, nourrissant le débat sur la pornographie et l’art, l’érotisme, l’intimité, le sexisme et la fétichisation potentielle des femmes d’Asie de l’Est dans les arts. Ces discussions mènent à des questions sur la pratique d’Araki et sa façon de jouer avec son identité dans ses propres photographies. L’exposition analyse alors le rôle du shishōsetsu (私小説, roman de confession japonais) et la présence des photographes dans leurs œuvres.
Elle identifie ensuite les thèmes et méthodes si présents dans l’œuvre d’Araki qu’ils semblent des obsessions : les sources d’inspiration que sont les kinbaku-bi et les formes d’art traditionnel japonais comme l’Ukiyo (浮世絵), la notion de « sentimentalité », son mariage d’amour profond avec sa femme Yoko et la mort tragique prématurée de cette dernière, la vie nocturne riche et lascive des bas-fonds de Tokyo, et l’impression inéluctable que la vie, l’amour et le sexe sont toujours teintés de mortalité. « Je veux faire des photos qui préservent leur incomplétude », explique Nobuyoshi Araki. « Je ne veux pas qu’elles perdent leur réalité, leur présence, leur rapidité, leur chaleur ni leur humidité. Donc, je m’arrête pour prendre une photo avant qu’elle ne devienne trop raffinée ou sophistiquée. »
Toutes les photos d’Araki présentées sont en outre étayées par une installation massive et interactive de ses centaines d’albums photos, plaçant au cœur de l’exposition une discussion sur l’importance de la diffusion, des médias et de la forme.
L’Incomplétude d’Araki : Sexe, vie et mort dans l’œuvre de Nobuyoshi Araki
Musée du Sexe
233 Fifth Avenue
New York, NY 10016
Etats-Unis