Lina Scheynius prend des photographies. Elle cueille des fleurs, embrasse à pleine bouche, étire sa culotte, verse des pleurs, cambre ses reins, froisse un drap, attend, empoigne un membre, fixe des yeux, allonge ses jambes, déplace un insecte, boit une tisane, ajuste un rideau, voyage, brosse ses dents, montre un sein, lave ses cheveux, croque un fruit, serre une main, retire un pansement, patiente, survole les nuages, lèche une épaule, écarte les cuisses, entrouvre une porte, retient son souffle, regarde ailleurs, saigne, et tout cela sous une lumière parfaite, parce que sienne.
Lina Scheynius capture. Chasseresse, elle dompte. Sa pulsion à le faire, est née du besoin de reconquérir son image. Le mannequinat l’en avait expropriée. De modèle traquée, elle a décidé, et réussi, à passer de l’autre côté du miroir. Il ne s’agit plus maintenant que de s’offrir à soi. Aujourd’hui, viser, tenir en joug et tirer font partie du quotidien de la photographe. L’auto-représentation est une discipline. Et bien-sûr l’artiste se donne même lorsqu’elle ne se figure pas. Sa production lui demande d’être perpétuellement sa propre proie. Elle voit mourir et naître. Et vivre.
Lina Scheynius épluche. Elle déshabille. La salle de bain et la cuisine s’affichent comme ses pièces de pré- dilection. Des espaces de commodité. Du cabinet à la camera, une histoire de chambre perdure. Les amants dans l’une, les bouquets dans l’autre, et inversement. D’ailleurs dans ses fictions, moins il y a de poils, plus il y a de pétales. S’il y a bien introspection, l’artiste ne se livre pas pour autant. Dans le calme, la sérénité et la délicatesse, se maintient un tutoiement poli. Mais ce n’est pas parce que le monde s’inonde de selfies, que son imagerie en devient la pâture.
Joël Riff, Novembre, 2019
Prises entre 1991 et 2018, ces photographies nous offrent une traversée sans précédent de la vie d’une femme du XXIème siècle.
Celle de Lina Scheynius, née dans les années 1980, qui a photographié sans relâche avec son appareil argentique les scènes de sa vie, ses amis, ses amours.
Entre 2007 et 2019 elle a organisé cette archive intime en 11 livres autopubliés, dévoilant un travail salué internationalement.
À rebours des réseaux sociaux et du déversement digital de soi, Lina Scheynius impose une sensibilité d’une rare intensité, accessible ici pour la première fois en intégralité
Lina Scheynius : My Photo Books
Jean Boîte Éditions, Paris, 2019 Photographies par Lina Scheynius
Cette édition a été remanié, édité et conçu par l’auteur en coffret de 11 livres
11 livres
806 pages
485 photographiess L21 x h14,8 x l9 cm
ISBN 978-2-36568-008-0
Édition de 1000