Quand les gens regardent la photo de l’éclipse, il se disent : « Tout ce qu’il a fait, c’est juste d’appuyer sur le déclencheur, click, click, click, click. » Mais ce qui se passa réellement en 1979, c’est que je devais d’abord trouver un endroit pour photographier l’éclipse depuis une hauteur dans la ville de Winnipeg, au Canada. Je voulais montrer le progrès du soleil à travers le ciel avec une exposition multiple, donc je devais calculer le temps exact de son passage au-dessus de la ville. J’ai commencé mes expositions plus d’une heure avant l’éclipse. Je faisais un cliché toutes les neuf minutes, pour qu’il y ait toujours le même espace entre chaque image. J’avais besoin de filtres de densité neutre très épais, parce que le soleil restait très brillant malgré l’éclipse partielle. Ce n’est que quand l’éclipse est totale qu’on peut enlever les filtres.
Il y a beaucoup d’événements étranges rattachés aux éclipses. J’avais déjà préparé un deuxième appareil pour faire une photo spectaculaire de la ville au moment de l’éclipse totale. Je voulais faire autant de clichés que je le pouvais pendant que le soleil était caché. J’avais tout le matériel préparé. Mais quand l’éclipse commença, et que je pris des photos avec le deuxième appareil, l’obturateur faisait un bruit bizarre, j’ai fait le tour pour me mettre en face de l’appareil, et j’ai essayé de le décoincer mais il était bloqué. J’étais toujours en train d’essayer de le faire jouer quand, tout à coup, il commença à y avoir de la lumière. L’éclipse était terminée. Du moment où il y eut de la lumière, l’obturateur se remit à fonctionner, et il a toujours marché depuis.
Je suis retourné à New York. Je ne savais pas ce que j’avais. L’un des appareils s’était bloqué mais j’avais quand même un bout de pellicule. S’il y avait quoi que ce soit sur lui, ce serait un bon test d’exposition pour développer le reste. Je commençais avec le premier négatif ; il ressortit vierge. Je continue avec le suivant ; il était vierge. Il ne me reste plus qu’un négatif du deuxième appareil. Je me dis : « Il a probablement besoin d’être poussé un peu au développement, peut-être d’un demi-diaphragme. Ça ne peut pas lui faire de mal. » J’ai essayé, et le voilà.
(Interview du 20 octobre1993. Extrait de : John Loengard, LIFE Photographers: What They Saw, Boston, A Bullfinch Press Book, 1998)