Quand des gens disent ne pas vouloir être pris en photographie, on ne peut jamais savoir s’ils le pensent vraiment. Mais il y a des gens qui détestent tout simplement être assis devant un appareil. Je suis l’un d’entre eux. William Faulkner en était un lui aussi. Il s’avéra pourtant être l’un des sujets les plus agréables avec lequel j’ai pu travailler. Mais il était difficile de le rencontrer. Nous avions pris contact avec son éditeur et de nombreux autres. Personne ne pouvait le joindre. Finalement, son beau-fils m’invita à aller à West Point, où Faulkner donnait des cours sur le roman. Là, on me dit que je serais mis dans une pièce en sa présence, et que j’aurais très exactement trois minutes. Que je ne devrais pas lui parler. J’acceptais toutes les conditions, et j’entrais dans la pièce avant lui, mis en place mes éclairages et attendit. Je photographiais en couleur. Puis Faulkner entra et vint directement vers moi avec la main tendue, et pendant que nous nous saluions, il me dit : « M. Mydans, que c’est gentil de faire toute cette route pour me photographier ». Pendant que je le photographiais, ce fut lui qui brisa la règle mise en place par West Point pour limiter la conversation, en me parlant le premier. J’éprouve toujours beaucoup de joie lorsque je repense à lui. Son portrait était sur la couverture du magazine et était déjà parti à l’impression quand la rédaction le remplaça par les photos du test de la bombe à hydrogène dans le Pacifique. Quelqu’un au bureau conserva une des copies envoyées au pilon pour moi, que j’ai gardée parmi mes photos favorites. Cette photo fut utilisée à sa mort, mais ne fit jamais une couverture de magazine.
(Interview du 9 Janvier 1992. John Loengard, LIFE Photographers: What They Saw, Boston, A Bullfinch Press Book, 1998)