Arrivant tout juste pour travailler avec Roy Stryker à la Direction de l’Administration du Ministère de l’Intérieur, Carl Mydans se trouvait à Hollywood en vrai gentleman, couvrant l’industrie du cinéma avec un nouvel appareil photo de 35 mm, à prendre quelques photographies improvisées. Il amena la peur dans le cœur des producteurs et des stars.
Carl Mydans: En 1937, j’étais le premier photographe de Life à Hollywood. Ces jours-là quand ils avaient fini de tourner une scène, quelqu’un criait «Stills!» et le photographe du studio arrivait avec sa caméra 8×10 pouces perché sur un grand trépied en bois pour y créer une image à partir d’un grand négatif et en faire une impression très vive. Je ne prenais pas de photos de ces scènes produites avec soin, des scènes figées. Je prenais des photos derrière la production avec mon petit Contax de 35 mm, et cela les inquiétait. La nouvelle se répandit que ce nouvel arrivé de Life avait été envoyé de New York pour détruire les illusions d’Hollywood fabriqué à partir de leurs scènes en papier mâché.
Il y avait vraiment une grande hostilité envers moi sur un grand nombre des lots. La rumeur circulait aussi et disait que j’avais enfreint les règles en prenant des photos sans adhérer au syndicat. Je l’ai rapporté à New York et ils ont dit, « adhérez au syndicat. » Certains de mes amis sur le site de Paramount m’ont pris à part et ils me dirent: «Regardez, Carl, vous ne pouvez pas adhérer au syndicat tant que les registres ne sont pas ouverts. »
Je leur ai dit, « La loi dit que registres doivent être ouverts une fois par an, il est donc possible que je profite de l’occasion pour demander mon adhésion. »
Un autre ami me pris à part et il me dit: «Laissez-moi vous dire quelque chose. Les registres ne sont ouverts qu’une fois par an mais ils s’ouvrent au sous-sol chez quelqu’un, quelque part à Hollywood. Essayez de savoir où. » Finalement, nous finissions par trouver un terrain d’entente. Le syndicat a accepté de laisser Life faire des photos sur les studios à condition qu’un homme du syndicat soit présent. Il pourrait s’asseoir dans un coin, fumer un cigare et lire un journal, du moment que nous avions payé pour sa présence. Cette règle a commencé avec moi, et c’est toujours la même règle aujourd’hui.
J’ai eu d’autres problèmes à Hollywood. Au début, les acteurs et actrices ont soutenu les photographes syndicaux. La première fois que je suis allé photographier Carole Lombard, elle m’a dit, «J’espère que vous comprenez ma règle ici. Si quelqu’un me photographie, toutes les images doivent m’être montrées. Je vais décider de ce qui peut être utilisé, et les images que je ne veux pas garder, je vais en déchirer les coins. »
Je lui ai apporté mon premier lot de photos. Elle me reçut assez froidement, elle s’assit avec les photos et les regarda. Puis, sans lever la tête vers moi, elle déchira les quatre coins de chaque impression. Je suis sorti de son bureau avec un véritable malaise. Mais quelques semaines plus tard, j’ai été invité à revenir et à la photographier de nouveau. Je ne sais pas ce qui se passait dans les coulisses mais elle m’a reçu très gentiment. Je l’ai photographiée et je lui ai ramené toutes les impressions que j’avais faites. Elle approuva chacune d’entre elles. »
[Interview daté du 9 janvier 1992, John Loengard, publié en intégralité dans Bullfinch Press book, LIFE Photographers: What They Saw, publié en 1998. The photograph, by Carl Mydans © 1936 Time Inc., is courtesy The LIFE Gallery of Photography.]