Open Rhapsody, qui nous est proposée au Beirut Exhibition Center de Beyrouth jusqu’au 19 avril, est une balade qui joue sur les correspondances visuelles de coloris, d’objets et de thèmes d’une kyrielle d’artistes plasticiens contemporains s’exprimant à travers la photographie et la vidéo. Hors de toute progression historique ou politique, le point commun entre ces clichés c’est d’abord la volonté d’un collectionneur d’exposer des photographies habituellement fixées aux murs des salons de particuliers, comme l’harmonie née d’une improvisation musicale.
Les avions en papier des enfants de Tanger côtoient l’œuvre d’Akram Zaatari, où les machines de guerre israéliennes zèbrent le ciel libanais. A quelques pas de là, côte à côte, une vue parisienne repeinte par Elger Esser, Ali Cherry et sa tempête de sable révélant en négatif la statut de Saddam Hussein, un Hiroshi Sugimoto contemplatif et Wolfgang Tillmans jouant avec l’encre et le liquide. Un fil ténu tisse la trame d’une histoire commune, la couleur sable, l’impression de flou.
Au total, dix collectionneurs libanais partagent leurs coups de cœur, accompagnés par le regard aiguisé de Jean-Luc Monterosso, directeur de la Maison européenne de la photographie, qui reconnaît cette distinction fondamentale entre un fonds public et une sélection privée : « La grande différence entre une collection privée et une publique comme celle de la MEP, qui réunit quelques 21 000 œuvres, c’est cette notion de coup de cœur qui est quasi absente chez nous. A la MEP, tout achat passe en commission. Il faut tenir compte de l’importance historique d’une œuvre. Un particulier vit avec son œuvre, même s’il en change parfois, elle orne les murs de sa maison. »
Le panel réuni par Tarek Nahas, collectionneur libanais passionné de photographie, rend compte des mouvements qui ont traversé cet art au cours des trente dernières années. Il confronte les artistes quelle que soit leur renommée. Le plus connu des Libanais, Fouad el Khoury, parle à Walid Raad, qui parle au jeune Ziad Antar, qui parle aux créateurs de l’école de Düsseldorf, Bernd et Hilla Becher, passés maîtres dans l’art des photographies frontales d’installations industrielles.
Le parcours — hétéroclite, avec une pointe d’impertinence — est servi par une mise en scène signée du photographe et vidéaste Roger Moukarzel. Elle permet au spectateur de prendre un peu de recul, tant l’espace est vaste, tout en l’invitant parfois à se rapprocher là où des parois ont été rajoutées pour créer des recoins intimistes dédiés à des clichés de taille plus réduites. Le regard embrasse la salle, accroché ici par une couleur, là par la composition d’une photographie. Au centre, une chapelle interpelle. Passé un rideau noir, on pénètre dans l’antre consacrée à la vidéo. Un support créatif qui fait son apparition dans les collections et qui élargit le rapport à l’image tel qu’on le vit grâce à la photographie : « Une vidéo se partage, raconte Tarek Nahas qui vient cette année d’acquérir sa première œuvre. Ce n’est pas un moment de cinéma où l’on est face à l’écran, seul. A l’inverse, on aime à la faire voir autour d’un café et en discuter. » La MEP a elle aussi commencer à constituer un fonds : « Les jeunes professionnels passent de la photographie à la vidéo de plus en plus facilement, c’était devenu une nécessité », précise Jean-Luc Monterosso. Une tendance peut-être pour l’instant plus difficile d’accès au grand public. La salle de projection a donc été conçue de manière chaleureuse et confortable, afin de ne pas décourager les visiteurs à se frotter à ces images animées qui complètent notre voyage visuel hors de tout sentier battu.
EXPOSITION
Open Rhapsody
A journey into photography and video collections
Jusqu’au 19 avril 2015
Beirut exhibition Center
Minet Al Hosn
Beyrouth
Liban
www.beirutexhibitioncenter.com