Du 17 février au 14 mai 2018, le Musée Unterlinden de Colmar présente une rétrospective consacrée au photographe Adolphe Braun (1812-1877). Braun a été un photographe français parmi les plus influents du 19e siècle. Aujourd’hui, L’Œil de la Photographie vous présente ses explorations égyptiennes.
Afin de donner à l’inauguration du canal de Suez un grand retentissement, le khédive Ismaïl Pacha (1830-1895), gouverneur de l’Égypte au nom du sultanat ottoman, convie en novembre 1869 les souverains d’Europe aux festivités organisées entre Port-Saïd et Ismaïlia. Parmi les personnalités françaises invitées figurent également des artistes, dont les peintres Fromentin, Berchère, Tournemine, Gérôme et Riou, les sculpteurs Guillaume et Dubray, les dessinateurs Darjou et Morel, et le photographe Adolphe Braun. C’est Gaston Braun, accompagné de l’opérateur Amédée Mouilleron, qui part en mission à la place de son père. Âgé de vingt-quatre ans, Gaston a déjà fait ses preuves lors de campagnes photographiques en Hollande et en Italie. Amédée Mouilleron, quant à lui, est le gérant d’une succursale parisienne de la maison Braun. D’autres photographes non professionnels font partie de la délégation mais aucun d’eux ne produira d’images à cette occasion.
Après six jours harassants à bord du Moeris, parti de Marseille et devenu un « hôpital flottant », l’on accoste à Alexandrie que l’on quitte bientôt en train pour Le Caire. À partir du 22 octobre, la délégation remonte le Nil en bateau jusqu’à l’île de Philæ, atteinte vers le 4 novembre. Le programme, conçu par l’égyptologue français Auguste Mariette, est fortement perturbé par la crue du Nil et quelques étapes initialement prévues à l’aller sont reportées au retour.
Braun et Mouilleron pratiquent la prise de vue au collodion humide. Les contraintes matérielles de ce procédé sont bien connues : l’équipement lourd et encombrant est imposé par le fait que la plaque de verre négative doive être préparée sur place pour être exposée encore humide dans la chambre noire. Les difficultés techniques sont légion : températures élevées qui contribuent à l’évaporation de l’éther nécessaire à la préparation de la plaque, poussière qui s’agglutine sur l’émulsion, humidité qui déforme le bois des chambres, vents de sable qui provoquent des flous de bougé… Il faut aussi disposer de deux ressources rares : l’eau et l’obscurité, indispensables au développement. En revanche, la qualité de la lumière fait le bonheur du photographe.
Les vues d’Egypte de Braun comptent 80 images, pour la plupart de Basse-Égypte : au Caire, la citadelle, la mosquée du sultan Hassan et les tombeaux des souverains mamelouks ; dans la nécropole de Gizeh, les pyramides et le Sphinx ; le temple d’Hathor à Dendérah, le Ramesséeum de Thébes, le temple d’Amon à Karnak, le temple d’Horus à Edfou et le temple d’Isis sur l’île de Philæ. Les clichés montrent des vues d’ensemble et des plans rapprochés qui facilitent tantôt la compréhension générale des sites, tantôt l’observation des détails d’architecture. Des autochtones prenant la pose sont presque toujours présents pour donner une échelle à l’image, l’équilibrer et ajouter une note pittoresque. Mis à part deux portraits du groupe de voyageurs, aucun cliché ne prend pour sujet les circonstances matérielles de l’expédition, le canal de Suez ou les festivités inaugurales. D’autres photographes s’en chargent, comme Hippolyte Arnoux, Désiré Ernié, Wilhelm Hammerschmidt ou Hippolyte Délié.
Les épreuves tirées des clichés rapportés s’adressent à une clientèle européenne variée : amateurs éclairés qui y trouvent des souvenirs de voyage, artistes à la recherche d’une documentation dans laquelle puiser l’inspiration. Parmi les peintres faisant partie du voyage inaugural, seul Eugène Fromentin (1820-1876) s’inspire directement des clichés Braun dans ses compositions.
La série des vues d’Egypte se situe à un moment charnière de l’orientalisme photographique. Elles restent tributaires de la vision d’un Orient rêvé, propre aux premiers voyageurs et photographes amateurs, mais elles annoncent aussi les clichés qui seront diffusés en grand nombre à partir des années 1870 par les photographes professionnels installés sur place, soucieux de répondre à la demande des premiers touristes.
Adolphe Braun, l’évasion photographique
Du 17 février au 14 mai 2018
Musée Unterlinden
1 Rue des Unterlinden
68000 Colmar
France
http://www.musee-unterlinden.com/
Catalogue de l’exposition (versions en français et en allemand)
Adolphe Braun – Une entreprise photographique européenne au 19e siècle
Publié par Editions Schirmer / Mosel
260 pages (version française) 35 €
360 pages (version allemande) 58 €