Tout dans l’œuvre de Paulina Otylie Surys est feutré mais incisif. Sur ou sous des cocons opalins s’inscrit la rythmique sourde et suggérée de pulsations en sensations satinées. La brèche enchantée par ces échappées de charme se fait fruit de la passion, huile de perfection ordonnée. Reste la symbiose fantomatique en bouquet d’étoiles, en filaments discrets ou courses d’animalcules selon un infini abandon ou un appel à disparaître.
Chaque image est un soupir et rapproche d’instants virtuels mais magiques. Les dérobades enlacées bâtissent la fragilité bercée dans un nid de tendresse. Reste une moelleuse histoire énigmatique. Elle trouve ici l’équinoxe au milieu d’images limpides mais sourdes et sombres qui s’envolent vers les abysses moins qu’elles n’y plongent. Une fois de plus il s’agit de glisser hors du temps sur l’instant d’une fébrile permanence. Haletant le souffle embrasé se réduit, le cœur se déshabille. Les émotions incandescentes croustillent sur un fond de vie cachée, là où tout est « luxe, calme et volupté » (Baudelaire).
Paulina Otylie Surys fais pénétrer dans les alcôves secrètes. Le désir semble fluide mais tourné vers le retrait. Il existe un arc tendu entre le réel et sa brisure en un réarrangement de ce qui chez d’autres photographes est épidermiquement spontané et trop à cru. A leur insistance « profératrice » fait place le recueillement de messes érotiques. Le silence et l’attente y trouvent leur chemin. Le recours au vocabulaire iconographique des sens crée un impact physique particulier.
Néanmoins à la vision de la femme en chair se substitue parfois celui du mannequin dans une sorte d’hommage à Bellmer. Les « puppets in a string» (ou ce qui en tient lieu) deviennent à l’inverse de la carnation un écran total où le narcissisme du voyeur vient crever (sauf s’il cultive certaines transgressions).
Ces œuvres le ferment sur un apparat où des amours ou de l’humanité ne demeure rien sinon les rouages dans lesquels le voyeur est remixé puis remisé. Il ne mangera ni la pomme espérée, ni un quelconque fruit de la connaissance. La poupée dénude les fils grossiers qui excitent le voyeur. Une telle figuation ne cherche plus à faire du « joli », du polish même si l’artiste les harnacher plus ou moins de jarretelles. Mais il se peut qu’à l’image des poupées gonflables de tels mannequin sidèrent le vulgus pecus ou l’esthète au moment même où a priori elles les « désidèrent ».
La machinerie libidinale de l’art joue donc une étrange partie de dupes. Le voyeur est rendu à ses vertiges et demeure – face à de telles équivoques qui alimentent son fantasme – imprégné de solitude. Il ne s’agit plus que de poupées-cornues, de portraits biscornus où l’homme renverse pour rien son orgueil, sa rage et son venin. Et lorsque le voyeur reprend vaguement conscience, lorsqu’à l’ébullition répond le vide d’une vague autosatisfaction qui ressemble à s’y méprendre à une automutilation, la poupée comme le portrait renvoient à un dérisoire spectacle équivoque
Dans tous les cas l’émotion est ravageuse mais feutrée. L’image caresse les fantasmes mais se contente de la suggestion. Du lieu clos premier peu est montré : s’aperçoivent des possibilités de paradis entraperçus et aussitôt évanouis. Paulina Otylie Surys crée une mythologie intime que chacun porte en soi ou rêve de connaître. Mais plutôt que le désir n’éclate tout reste dans l’aporie.
La photographe joue la pyromane glacée. Elle rejette les étreintes et les élans dans l’ornière des congères d’ombres et de jeu de montré/caché. Le partage des délices ne sa fait plus sous X mais par suggestion. Des peignoirs s’ouvrent, des jupes se défont : un bonbon rose se défait de son papier. Mais jamais en totalité. S’imaginent un horizon, ses interstices. Mais restent l’absence et une certaine mélancolie : l’une ne va pas sans l’autre. C’est la marque de l’artiste. Là où une semble naître le plaisir le regardeur est pris de cours. Chaque photographie feint, dans sa majesté luxueuse, feint de donner prise mais piège le regard. Il n’y a guère d’issue pour le voyeur. Il se peut que Paulina Otylie Surys s’en amuse. C’est pourquoi au lieu de montrer elle prend le temps de déplier ses pelotes, de défaire les nœuds d’existences secrètes pour les tisser autrement.
EXPOSITION
England Fallen
Paulina Otylie Surys
Du 7 avril au 8 mai 2016
Nue Galerie
35, rue Lucien Sampaix
75010 Paris
France
Tel: 06 64 45 38 27
[email protected]
Horaires de la galerie :
du Mardi au Samedi 14h-19h
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