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Les Polaroids d’Italie de François Halard

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Il n’est pas un écrit sur François Halard qui ne le présente comme un photographe d’intérieur ou de décoration. Cette vision réductrice du travail du photographe est contredite par Oscar Humphries qui révèle une série jusqu’ici méconnue dans le livre Polaroïds Italiens publié par Idea Books et Sotheby’s.

Au fil des pages, le lecteur découvre des images inédites accompagnées de courts textes écrits par François Halard comme dans un journal de bord. C’est à la fin de son adolescence qu’il découvre la dimension onirique de l’Italie lors d’un voyage et il en garde le souvenir le plus émerveillé. Depuis les années 1980, le photographe parcourt l’Italie, comme le fait Pasolini dans La longue route du sable, pour recréer son propre Grand Tour. L’ouvrage Polaroïds Italiens présente au lecteur une Italie rêvée, intacte, où le temps semble suspendu. À l’heure de la dématérialisation, François Halard reste fidèle au format carré du Polaroïd 669, qui a la particularité d’être un procédé de photographie où l’on doit tirer et développer soi-même les Polaroïds pendant une minute.

Bien plus qu’une simple technique, le Polaroïd a eu une profonde influence sur la photographie. Utilisé par Andy Warhol, David Hockney ou encore par Patti Smith, les Polaroïds ont suscité l’intérêt des artistes dès les années 1960. Dans les seventies, la technique du Polaroïd, caractérisée par son tirage unique, a participé à légitimer la photographie dans le champ de l’histoire de l’art. François Halard considère avant tout le Polaroïd comme un art à part entière, une perspective sur le présent. Le photographe est séduit par cet appareil peu encombrant, facilement transportable, et par le rendu des couleurs du film 669. Si les Polaroïds ont été volontiers employés par des photographes comme Ansel Adams ou Robert Frank pour tester la lumière et le cadrage des tirages argentiques, les images de François Halard ne sont pas seulement des étapes vers la création. Il documente des lieux historiques tels que le Parc des Monstres de Bomarzo où le choix de la lumière et les close-up nous dévoilent le regard de l’artiste.

A première vue, il est difficile de dater les Polaroïds de François Halard. Mis à part l’usage de la couleur, les épreuves rappellent les paysages photographiques des premiers livres illustrés du XIXe siècle. Le grain, les pigments et l’effet de flou des Polaroïds accentuent la dimension intemporelle des images. Dans ses représentations des vestiges de la cité Sélinonte en Sicile, les Polaroïds évoquent les vedute de Giovanni Panini. Genre pictural apparu au XVIIIe siècle, les vedute sont des tableaux de paysage de petit format qui représentent des vues composées de villes et de sites archéologiques d’Italie. Avec son appareil, François Halard met en scène des vues extérieures de la cité Sélinonte où le rendu des couleurs donne aux Polaroïds des allures d’aquarelles. Conçus dans le champ chromatique des rouges, les tirages qui représentent le temple deviennent des repères du passé où le médium photographique substitue son témoignage au souvenir du photographe.

Hormis un autoportrait dans un miroir et deux portraits de Cy Twombly dans son jardin, l’humain est quasiment absent des photographies. François Halard se concentre sur la représentation des objets et de leur environnement à la manière des peintures de natures mortes qui évoquent l’homme sans pour autant le représenter. En découvrant des images de la maison de François Halard dans le centre d’Arles, on constate pourtant une analogie entre ses photographies d’intérieur et son lieu de vie. Le photographe utilise sa caméra comme un outil pour recréer son propre univers. Sa maison arlésienne, peuplée d’une multitude d’objets chinés, peut apparaître comme le négatif d’un film photographique. Il y tient le rôle dont il a rêvé : l’éminent inventeur d’un cabinet de curiosités. Les Polaroïds sont des réminiscences personnelles auxquels s’attache un sens presque religieux, les images une fois imprimées deviennent à leur tour des reliques : « Je conserve précieusement tous mes Polaroïds vierges dans des frigidaires chez moi » précise le photographe dans un entretien. De même, dans ses images de la somptueuse Casa Mollino à Turin, la photographie conserve un rapport complice avec l’espace mis en scène. Les tirages semblent sortir tout droit du tournage du Guépard de Visconti.

François Halard conçoit sa propre scénographie en saisissant les objets d’art, les tapisseries colorées, les moulures et les miroirs qui ornent le lieu. À la Villa Malaparte, construite sur un flanc de rocher à Capri, son travail photographique dépasse le simple enregistrement du réel. Ici le choix du noir et blanc vient accentuer les lignes de l’œuvre architecturale conçue par Adalberto Libero. Il réalise des vues plongeantes de la Villa pour dévoiler l’escalier en pyramide inversée et le toit solarium – célèbre décor du Mépris de Godard. On pourrait ainsi multiplier les références cinématographiques et artistiques sur le travail photographique de François Halard. Des ruines d’Hubert Robert en passant par les écrits de Stendhal en Italie ou encore aux films d’Antonioni, la caméra de François Halard demeure le reflet de sa propre sensibilité. À partir des images qui habitent sa mémoire, il présente, dans cet ouvrage, un hymne à la beauté qui fait vibrer la lumière d’Italie.

 

Isabella Seniuta

Isabella Seniuta est une auteure spécialisée en photographie et doctorante en histoire de l’art à l’université de La Sorbonne, à Paris.

 

  

François Halard, Polaroïds Italiens
Publié par Idea Books et Sotheby’s
£35

http://www.ideanow.online/

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