Une terre désespérément sèche, des hommes et des animaux tristes, une attente vaine et sans fin : nous sommes dans le Sertao, au nord du Brésil, une région oubliée, dans ce pays géant en pleine effervescence économique et sociale. C’est l’histoire de cette terre et de ses hommes que racontent les photos fulgurantes, en noir et blanc, de Tiago Santana, photographe lui même né dans le Nordeste. En voyant ses images, on pense immédiatement au film de Glauber Rocha Le dieu noir et le diable blond, à Vidas secas de Carlos Diegues, mais aussi à Los Olvidados d’un Luis Bunuel période mexicaine. Des oubliés, en effet, dont la vie se confond avec cette terre qui se ride un peu plus d’année en année, meurt lentement de soif. Les photos montrent des visages statufiés, des ânes et chiens décharnés au regard las sous les icônes religieuses accrochées aux murs délabrés. La misère y joue sa vilaine comédie.
Mais le travail du photographe n’est pas seulement celui d’un documentariste : rendre compte de cette réalité. Il met en scène ses images, dirige ses personnages pour composer des « tableaux ». Puis viennent les effets d’un parti pris esthétique original dans le cadrage qui n’est pas sans rappeler les audaces surréalistes. L’image peut ainsi, dans une scène photographiée avec un grand angle, saisir au premier plan un fragment de visage, un regard, une main. Ou encore « zoomer » sur un élément perdu à l’arrière plan de l’image en écrasant le premier plan. Photographié ainsi, ce petit monde, dans l’attente encore et toujours de la bonté divine ( celle des hommes est oublié depuis longtemps) vient constituer, habiter ces fresques bibliques comme dessinées au charbon. Un travail que l’on aimerait voir en grand format .
Ce merveilleux petit livre des éditions Actes Sud, paru dans la collection Photo poche permet de découvrir ce Tiago Santana, presque ignoré ici mais célébré dans son pays et toute l’Amérique Latine, et depuis peu en Chine. A noter l’excellente préface du grand écrivain Eduardo Manet.
Paul Alessandrini
Sertao
Photographies de Tiago Santana
Photo poche société
Actes Sud
