Nous continuons la diffusion des projets sélectionnés pour les Prix des Nuits Photographiques 2015, qui ont été remis le 19 septembre dernier. Aujourd’hui, nous vous présentons le film intitulé « Welcome to Savar » , réalisé par Eric Guglielmi, photographe français.
Welcome to Savar
Le 24 avril 2013, l’immeuble du Rana Plaza s’effondre. Ce jour-là, seuls 2 000 travailleurs sur 3 000 sont présents. Des fissures ont été constatées au dernier étage, mais les entreprises ont tout de même obligé les ouvriers de l’immeuble à venir. Parce que jusqu’ici tout va bien… Ce drame a coûté la vie à 1 133 personnes.
Face à ce moment crucial, ce temps d’un basculement qui va changer notre vie, nos vies, que peut-on faire ? Que doit-on faire ?
Quels lendemains nous réservent nos actions d’aujourd’hui ? Un face-à-face avec nous-mêmes. Nos consciences. Nos responsabilités. Du Bangladesh, le photographe nous livre les images inédites d’un monde sous perfusion. Photographies, vidéo et installation relatent une souffrance qui rivalise avec celle de catastrophes pourtant plus médiatisées.
Une asphyxie programmée
Éric Guglielmi panse ses images. Les toiles suspendues, les voiles cachent pudiquement les façades, des morceaux de pipeline affleurent à la surface, des tuyaux sortent de fenêtres béantes… Nous avons bien là une société qui soigne ses blessures, se recharge, cherche son oxygène.
De l’air
Un va-et-vient de l’intérieur à l’extérieur, du dedans au dehors. De l’essentiel au superficiel. Du périssable à l’immuable. Seul élément de stabilité : la nature, pérenne, qui se régénère d’elle-même. Cette nature se joue des traces de l’homme, de ses déchets, de ses rejets. Elle est là comme le témoin d’une force qui a déjoué la fatalité, qui tient bon.
Il est encore temps
Car c’est bien du temps dont parle Éric Guglielmi. Le temps de la marche : des marches souvent longues, des années pour affiner un propos, à mettre en parallèle d’une prise de conscience parfois très lente de nos sociétés qui s’enlisent inéluctablement dans la complaisance et l’impuissance. Mais parfois un déclic, une fulgurance, comme ce voyage éclair, nécessaire, au Bangladesh, pour mettre à la lumière une tragédie incomprise.
La chronologie déconcerte volontairement. Un jeu entre le latent / le potentiel, et le réalisé / le drame. Un temps perturbé dans sa linéarité pour mieux montrer que tout reste possible, qu’il est encore temps de ré/agir. Parce que l’« après » est toujours un « avant »…
Florent Maubert
Eric Guglielmi s’appuie sur une démarche organisée autour de la marche, l’attente et de l’observation. Ses photographies donnent à voir un ailleurs palpable et oppressant, rendant accessible au spectateur ce léger décalage, cette vision de biais qui permet de voir différemment, de voir mieux. Sa connaissance approfondie des réalités sociales et politiques lui permet de se tenir dans une posture attentive et vigilante face au réel et ses incohérences. Son art interroge frontalement les angles morts de l’attention médiatique. Il juxtapose et croise les points de vue – Bangladesh, Mali, Ukraine. – et présente d’autres constructions du monde. Il prend le contre-pied de la pratique du reportage, privilégiant, contre le dogme de « l’instant décisif », « une lenteur du regard ». Le grand format des tirages permet de saisir pleinement leurs qualités plastiques : les arbres, les peaux, l’eau, les murs, tout a une couleur, une texture, une pesanteur. Leur force rend palpables les rugosités du monde.
Eric Guglielmi fait partie de collections publiques (BNF, Musée Rimbaud…) et privées (Neuflize Vie). En 2014, l’UNICEF lui donne carte blanche pour traiter des problématiques de l’enfance au Cameroun. En 2015, il est nominé au Prix AIMIA/ AGO ainsi qu’au Prix Pictet.
http://galeriemaubert.com/artistes/eric-guglielmi/
FESTIVAL
Les Nuits Photographiques
Jusqu’au 12 décembre 2015
Pavillon Carré de Baudouin
121 Rue de Ménilmontant
75020 Paris
France
http://lesnuitsphotographiques.com