Une foison de livres, une brassée d’éditeurs, un parcours aujourd’hui consacré à six éditeurs peu connus et peu distribués en France.
• Mörel
Mörel, basé à Londres, créé en 2009, est un éditeur indépendant se spécialisant dans des livres d’art en édition limitée à des prix abordables. A ce jour, 50 livres ont été publiés. De temps en temps, il propose des éditions spéciales de ses livres.
Sur le stand de l’éditeur, en guise de papier d’emballage, un patchwork de photographies tirées d’instagram par un fanatique de ce site, Stephen Shore.
http://morelbooks.com
– Retrospecting Sandy Hill
Chris Shaw
Mörel, Londres, 2015
Chris Shaw a photographié le quartier populaire de Sandy Hill à Farnham (Surrey, GB) dans les années 1986 – 1989. Ce livre est un fac-similé d’une maquette qu’il a égarée dans le train un soir d’ivresse. Le texte se limite à de brèves formules écrites avec un trait grossier aux marges des images en noir et blanc découpées avec une certaine sauvagerie.
•Editora Madalena
La maison d’Édition Madalena, fondée en 2012, développe et soutient la production de livres sur la photographie contemporaine. Les ouvrages sont principalement brésiliens et latino-américains, mais l’éditeur reste ouvert à d’autres horizons, en particulier en recherchant des visuels narratifs. Madalena a publié 19 ouvrages. Les fondateurs sont les photographes brésiliens, Iatã Cannabrava et Claudia Jaguaribe ainsi que le commissaire catalan Claudi Carreras. Le siège est à São Paulo, Brésil, où se trouve aussi son associé principal : le Estudio Madalena qui s’occupe des activités de formation, d’ateliers et d’autres rencontres photographiques, comme le festival Paraty em Foco.
Parmi les publications :
– Ramos
Julio Bittencourt
Cosac Naify / Editora Madalena, Sao Paulo, 2015
Ramos est le résultat de quatre étés, passés à Rio de Janeiro par Julio Bittencourt, à photographier la plage artificielle de Ramos et les personnes qui y prennent un bain de soleil. Sa vision photographique exempte de préjugés mais pas d’ironie dresse un portrait unique de cet endroit inhabituel, où les gens jouissent du bon temps des loisirs alors qu’ils sont simultanément confrontés à des questions comme la violence et la pollution.
– Sharkification
Cristina de Middel
Editora Madalena, Sao Paulo, 2015
Sharkification (de shark, le requin) concerne les favelas et la stratégie du gouvernement brésilien pour tenter de les contrôler, à l’occasion de la coupe du monde de football, en faisant intervenir des unités armées. Ceci a créé une militarisation des communautés, où soudainement chacun est devenu un suspect. La métaphore du requin vise à expliquer la dynamique en place. « J’ai utilisé la comparaison d’un monde sous-marin pour imaginer que les favelas sont un récif de corail ou il y a des prédateurs… » Alors que la plupart des photojournalistes tentent continuellement de jouer avec les sentiments, Cristina de Middel utilise l’humour qui est une façon plus intelligente de regarder les choses et qui aide les gens à devenir plus curieux.
J’ai remarqué aussi la Série Pequenos Formatos (petits formats) proposée par l’éditeur. Une enveloppe illustrée, dont le tirage est limité à 200 exemplaires, contient un livret illustré et une douzaine d’estampes photographiques. Deux titres ont retenu mon attention :
Cactocea de Claudia Jaguaribe montre le développement sauvage de cactus dans le paysage urbain, comme dans la prophétie d’Antonio Conselheiro selon laquelle « la région inexploitée se transformera en mer et la mer se transformera en région inexploitée ».
Motobaik de Christian Rodrigues, dépeint les femmes du Viêt Nam et le moyen de transport local principal : la petite motocyclette. Il décrit la façon dont elles couvrent leur corps, leur tête et leurs mains.
• Editions GwinZegal
Le Centre d’Art et de Recherche GwinZegal se définit comme une plate-forme de travail pour aborder différentes facettes de la photographie. Le projet s’articule entre un territoire à dominante rurale, Le Pays de Guingamp en Bretagne, et l’inscription dans un réseau en France et en Europe d’institutions poursuivant les mêmes objectifs. Les activités de GwinZegal se déclinent autour de résidences de photographes, de colloques, de conférences et d’ateliers. En plus de l’activité d’édition, (30 livres en 10 ans), le centre développe un outil de documentation et de recherche.
http://www.gwinzegal.com
– J’étais là.
Stéphane Duroy et Paulo Nozolino
Editions GwinZegal, Guingamp, 2015
À l’occasion d’une résidence, initiée par Paul Cottin, au Centre d’Art GwinZegal Stéphane Duroy et Paulo Nozolino ont exhumé des échos d’un monde qui s’efface sans bruit, héritage d’une société paysanne en voie de disparition et interrogent sans détour les pans « disqualifiés » d’une identité façonnée par des représentations et une imagerie relevant le plus souvent du « folklorisme ». Les photographes ont arpenté un espace rural parsemé de villages à la vie sociale exsangue. A l’ouverture, le livre se décompose en deux volets groupant les images des deux photographes qui partagent une écriture dépouillée et le refus du spectaculaire.
Les images de Paulo Nozolino d’une densité dans les tirages et d’une rigueur tendant parfois vers l’abstraction, nous proposent dans leur continuum une réflexion sur les destinées des sociétés humaines.
Dans les photographies, mêlant noir et blanc et couleur, de Stéphane Duroy s’inscrivent, de manière plus concrète, la question du temps, de la singularité des lieux et la prégnance du fait religieux, fut-il de témoignage.
Ce travail est exposé par Leica Camera dans le cadre de Paris Photo.
• La Fabrica
Les éditions La Fabrica , fondées à Madrid en 1995, est un éditeur indépendant spécialisé en photographie, art et littérature contemporaine. La qualité des contenus offerts, ainsi que le choix minutieux des auteurs et la présentation soignée des livres, déterminent une production qui bénéficie d’un grand prestige dans le marché actuel du livre de photographie.
Parmi les projets de La Fabrica, il faut souligner l’accent mis sur une photographie d’auteur, champ dans lequel l’éditeur est pionnier en Espagne. Une relation étroite avec les photographes permet un suivi artisanal soigné du processus éditorial.
Deux des ouvrages proposés ont retenu mon attention.
– For Bird’s Sake
Cemre Yesil et Marie Sturm
La Fabrica, Madrid 2015
Cemre Yesil et Marie Sturm, empêchés de dormir par le culte de l’élevage et des soins aux oiseaux à Istanbul, révèlent la relation entre l’oiseau et celui qui le soigne, une relation pleine de contradictions entre l’amour, la possession et le plaisir.
– Associated Nostalgia
Eugenia Maximova
La Fabrica
Des figurines, des fleurs et des fruits décorent les gargotes d’Eugenia Maximova. Objets qui la ramènent à son enfance en Bulgarie, de l’autre côté du Rideau de fer.
• Only photography
Fondé à Berlin en 2008 par Roland Angst only photography, plutôt spécialisé dans le livre haut de gamme, a publié environ 20 livres à ce jour. À signaler sa série de livres à prix abordable dont je présente ici deux ouvrages.
http://www.only-photography.com
– Agitators
Kazuo Kitai
only photography, Berlin, 2015
Kazuo Kitai a quitté l’université juste six mois après être entré dans le cours de photographie de l’Université Nihon à Tokyo. Jeune ,Kitai avait l’idée de faire un livre de photos inspiré par les films français de la nouvelle vague : créer un document combinant les manifestations de rues et les scènes de vie quotidienne dans les rues de la même ville. Après l’échec financier de son premier livre « Teiko » (la Résistance), il a dû renoncer à publier le second Kagekiha (Agitators ). Il s’est ensuite engagé pour plus de six ans dans différents mouvements auprès des débardeurs de Kobé, lors des émeutes ouvrières et étudiantes et lors des manifestations contre l’aéroport de Narita. Le livre est une documentation en première ligne des luttes des années 1960 au Japon.
– Human
Viktor Kolar
only photography, Berlin 2015
Kolár a un œil incomparable sur son environnement, plein d’empathie aussi bien que d’humour. Il réussit souvent à produire des images pas du tout banales de la vie quotidienne. De temps en temps vous êtes écrasés par l’humour, de temps en temps par les ténèbres, qui se faufilent dans les images surréalistes. Les scènes apparaissent si serrées, que vous pourriez croire que Kolár a donné, à des gens, à des animaux ou à des objets des indications précises. Cependant, le photographe comprend que c’est la vie elle-même qui est le directeur suprême d’une scène, tandis qu’il n’est que l’observateur. De cette manière, Kolár prend la pleine mesure de la perspective, du contraste et du flou.
• IMA Concept Store
IMA Concept Store est un espace dédié à la photographie. Il propose une galerie de photographies, IMA gallery, qui accueille de nombreux événements et des séminaires animés par des photographes connus. C’est un grand espace de communication pour non seulement les amateurs de photographie, mais aussi pour ceux qui s’intéressent à divers aspects de la vie, comme la mode, la décoration d’intérieur, la musique, l’architecture et la nourriture.
IMA Concept Store présente des livres uniques, principalement des œuvres de jeunes artistes japonais associés à la galerie. Il assure aussi la diffusion du magazine IMA dont la direction éditoriale est assurée Madame Mutsuko Ota, une des fondatrices de IMA, créé en 2012.
– Tokyo
Sohei Nishino
IMA, Tokyo 2015
Sohei Nishino a photographié, pendant plusieurs mois, la ville sous tous les angles possibles. Des milliers d’images ont été assemblées dans un diorama qui est une carte de la ville compactée avec la densité d’une image. Ce premier livre de Sohei Nishino reprend la version de 2014 du diorama et le divise en 496 fragments agrandis, reproduits à chaque page du livre. Le lecteur peut expérimenter non seulement les joies de la ville de Tokyo mais aussi le processus de pensée de Nishino.
FOIRE
Paris Photo 2015
Du 12 au 15 Novembre 2015
Grand Palais
Paris
France
www.parisphoto.fr