À l’occasion du 80e anniversaire du débarquement allié en Normandie, Icônes de Robert Capa au couvent des Franciscaines à Deauville.
Une exposition sublime en partenariat avec l’agence Magnum que l’on doit à son biographe Michel Lefebvre. Il a également écrit ce texte de présentation :
Le 3 décembre 1938, le journal anglais Picture Post salue « Le plus grand photographe de guerre du monde : Robert Capa ». La légende sous le titre est un hommage vibrant à Capa : « Dans les pages qui suivent vous découvrirez une série d’images de la guerre d’Espagne. Les lecteurs réguliers de Picture Post savent que nous ne tarissons pas d’éloges sur les travaux publiés. Nous présentons ces images simplement parce qu’elles sont les meilleures de la ligne de front jamais prises. Elles sont de Robert Capa. Il est Hongrois de naissance, mais étant petit et mat de peau, il est souvent pris pour un Espagnol. Il aime travailler en Espagne plus que n’importe où dans le monde. Fervent démocrate, il vit de ses photos. Il y a plus d’un an la compagne de Capa, alors qu’elle devait le rejoindre à Paris, a été tuée en Espagne. (…) Aujourd’hui, il est de retour en Espagne, prenant des photos pour Picture Post. » Il y a tout dans cet hommage, toute la magie d’un photographe qui a séduit le monde avec son travail en Espagne alors qu’il n’existait littéralement pas trois ans auparavant. Robert Capa a couvert cinq guerres, Espagne, Chine, Seconde Guerre mondiale, Israël, Indochine, et en a chaque fois ramené les meilleures images, celles qui comptent et restent dans l’histoire. Il n’est pas à l’origine du photojournalisme mais de ce que j’appelle le photojournalisme moderne, celui qui apparaît avec le développement des appareils maniables comme le Leica et la presse illustrée. Il a connu le succès dès le début de la guerre d’Espagne, en 1936. Son pseudonyme fût inventé peu de temps auparavant, avec son amie, la réfugiée allemande Gerta Pohorylle. Elle devient Gerda Taro et lui, l’apatride hongrois Endre Friedmann, devient Robert Capa. Dès cette époque, parce qu’il a vu comment ses confrères étaient exploités et leur nom invisibilisé, il est obsédé par l’idée de défendre le travail des reporters photographes : vendre les photos directement aux journaux et non les brader à une agence qui ne mentionnera pas leur signature, conserver tirages et négatifs, et contrôler les légendes qui accompagnent les images. C’est aussi ça le photojournalisme moderne. Ces idées aboutiront bien plus tard, en 1947, à la création de la coopérative Magnum Photos avec ses amis David « Chim » Seymour, Henri Cartier-Bresson, George Rodger et William Vandivert. Aucun photographe n’a suscité autant d’intérêt, de publications, de discussions, voire de polémiques que Robert Capa. À sa mort, en avril 1954 en Indochine, il ne possédait rien à part quelques costumes, des appareils photos et des éditions anglaises de romans qu’il aimait lire dans son bain. Son refuge était une petite chambre qu’il louait sous les toits de l’hôtel Lancaster, rue de Berri à Paris. Il y résidait entre reportages, parties de poker et paris sur les champs de course. Il a laissé des dizaines de milliers de photos dispersées un peu partout dans le monde après avoir fui aux États-Unis à l’automne 1939 devant la menace de guerre. Cornell Capa (1918-2008), son frère, a passé sa vie à les chercher et à reconstituer par tous les moyens son œuvre. La plus grande partie des travaux autour de Capa a été faite à son initiative, et à celle de Richard Whelan (1946-2007), l’historien qu’il a choisi pour bâtir la légende, et de John G. Morris qui a participé toute sa vie à ce travail de mémoire. En marge de cette histoire officielle, très riche mais pleine de zones d’ombres, Robert Capa a fait l’objet de nombreuses études indépendantes. Pour approcher de plus près le travail de A LA RECHERCHE 2 DE ROBERT CAPA Robert Capa, cette exposition présente environ 150 documents d’époque : tirages originaux, journaux, livres, objets provenant principalement de la collection Golda Darty et des archives de Magnum Photos. La plupart des expositions proposent des tirages de très grand format, retouchés, recadrés parfois, encadrés soigneusement comme des œuvres d’art. Le tirage d’époque, même avec ses imperfections, témoigne bien mieux, comme sa parution dans le journal, du travail du photographe de presse. Avoir accès à un de ses appareils Leica ou à ses tirages au charme indéfinissable permet de comprendre l’univers du photographe et d’expliquer son travail. Ce que nous avons voulu montrer d’abord, c’est comment, pourquoi et où il a pris ses photos. Cela paraît évident, mais ça ne l’est pas forcément tant sa vie est un jeu de pistes. Montrer aussi la fabrique des images. Une photo est une interprétation de la réalité, un point de vue que le photographe a choisi pour témoigner, mais c’est aussi un objet physique. Expliquer comment une photo parvient du lieu de la prise de vues au journal qui va la publier, comment elle va parcourir des milliers de kilomètres, en voiture, en train, en avion, et pourquoi, dans les années 1930, la vitesse de transmission des images s’accélère, ce qui est aussi une des conditions du développement du photojournalisme moderne. Montrer enfin que Capa maniait aussi la photo couleur en amoureux de la vie et réalisait des portraits attachants, des clichés de mode, de tournage de cinéma ou de voyage : de Deauville à Biarritz, des Alpes à Budapest. »
Michel Lefebvre, commissaire de l’exposition
Robert Capa : Icônes
25 mai – 13 octobre 2024
Les Franciscaines
145 B, Avenue de la République
14800 Deauville
https://lesfranciscaines.fr
À regarder aussi cette newsletter de Magnum consacrée à son fondateur.
À noter enfin, le catalogue de l’exposition publié à l’Atelier EXB :
Robert Capa : Icônes
Parution 13 juin 2024
Direction d’ouvrage et textes
Michel Lefebvre,
Journaliste au Monde,
spécialiste de Robert Capa
Fiche technique
Relié, 19,5 × 27 cm
192 pages
150 photographies N&B et de nombreux documents d’archive
ISBN : 978-2-36511-400-4
Prix : 45 € TTC
Cet ouvrage a reçu le soutien de Golda Darty