Notre édition du jour est entièrement consacrée à Jean-Marie Périer. Voici la sixième partie avec une sélection de ses récentes images.
Aujourd’hui j’habite dans la merveilleuse campagne aveyronnaise.
(Photo No 1)
Lorsqu’un ami artiste ou un magazine me demandent de faire une photo, je m’exécute avec plaisir, mais c’est de plus en plus rare. Lorsqu’un photographe ne fait plus partie d’un journal, il n’est plus grand-chose. C’est normal, place aux jeunes.
(Photos No 2, 3, 4)
Depuis quinze ans j’écris des livres, ce qui me semble être un luxe extrême pour finir sa vie. J’en ai publié un sur Daniel Filipacchi et son incroyable destin. (Oncle Dan)
(Photo No 5)
J’ai d’ailleurs sorti un nouveau livre de nouvelles le 18 octobre dernier. (Moment publicitaire : Près du ciel, loin du paradis chez Calmann-Levy)
(Photo No 6)
Et puis il y a les expositions. Si on m’avait dit il y a cinquante ans que je finirais ma vie grâce à mes archives de l’époque, je ne l’aurais jamais cru.
(Photo No 7, 8, 9)
Partout où je vais dans le monde, les gens me traitent avec gentillesse et regardent mon travail pour ce qu’il est, à savoir le témoignage sans prétention d’une époque révolue. Curieusement il y a en France un étrange mépris pour ce qui est populaire. On respecte l’art « classique » ou « contemporain » (je trouve que cet art-là manque parfois cruellement de « temporains »), mais les instances officielles n’offrent souvent que dédain et snobisme parisien pour ce qui est populaire.
Du reste, celui qui m’aura mis le pied à l’étrier n’est ni un professionnel de l’image ni un connaisseur du monde photographique. À son arrivée à la mairie de Paris, Bertrand Delanoé a décidé d’organiser la première exposition de son mandat avec mes photos, tout simplement parce qu’elles lui rappelaient sa jeunesse et qu’il voulait faire plaisir aux gens. En deux mois, 150.000 personnes se sont pressées à la salle Saint-Jean. À mon avis, le voilà le problème. En France, parmi les chargés de la culture, les détenteurs du savoir ou les chantres du bon goût, beaucoup se moquent complètement du plaisir du public, ce qu’ils veulent d’abord et avant tout c’est que l’on parle d’eux dans Libération et Télérama et ils ont tendance à considérer que leur vision des photos est plus importante que les photos elle-même. Ceci dans le but tacite de consolider un snobisme du quant à soi, un champ réservé au bouillon d’une culture parisienne prétentieuse.
Bien sûr, à chacune de mes expositions, il y a d’abord des foules de « gens normaux » qui sont là, non pour admirer mon « incroyable talent », ni pour parfaire leur savoir, mais seulement pour retrouver les images de leur jeunesse. C’est vrai, je vois de temps à autres des dames venir trois fois dans la semaine pour s’émouvoir devant Claude François. À Toulouse, on a même dû refaire un tirage et le placer plus haut à cause d’une admiratrice d’Alain Delon qui, tous les jours, déposait un baiser carmin sur la joue de son idole.
Il est possible que mes expositions n’aient rien à voir avec la qualité photographique, effectivement ce ne sont que les images d’une jeunesse lointaine. Dieu merci, être reconnu par mes pairs m’indiffère et je me fous de l’avis des professionnels, des spécialistes et des ayatollahs de l’érudition. Ce qui me touche c’est lorsqu’au fin fond de la France, dans les rues des villages, les gens me sourient parce que me croiser réveille leur nostalgie.
Que la crème de la critique se bouche le nez aujourd’hui n’a guère d’importance. Je ne m’inquiète pas, vous verrez, quand je serai mort, ils diront que c’était bien. De toute façon, ça valait le voyage…
Jean-Marie Périer