Une œuvre produite secrètement découverte par hasard et tardivement : il n’en faut pas plus pour faire de Vivian Maier une héroïne de l’histoire de la photographie. L’exposition Chroniques américaines, présentée au centre d’art Campredon à l’Isle-sur-la-Sorgue (Vaucluse) remet la photographe sur le devant de la scène, près de dix ans après la découverte de son œuvre à Chicago par John Maloof.
Installé dans une demeure datant du XVIIIe siècle dont une partie est protégée au titre des monuments historiques, le centre d’art Campredon est un beau lieu chargé d’histoire, qui programme au moins une exposition de photographie par an. Cet automne, c’est à Vivian Maier de prendre ses quartiers dans les différentes salles réparties sur deux étages sous le commissariat d’exposition d’Anne Morin, de Dichroma Photography, qui fut déjà à l’œuvre pour l’exposition organisée par le Jeu de Paume au Château de Tours il y a trois ans. A la centaine de tirages noir et blanc et couleur et aux extraits de films super 8 que Vivian Maier réalisa dans les années 1960 et 1970 s’ajoutent, pour cette nouvelle version de l’exposition, 5 planches-contacts permettant de mieux appréhender la manière dont la photographe travaillait.
Qui était Vivian Maier ? Difficile de répondre à cette question avec précision tant le parcours de cette femme née en 1926 est atypique et que les faits connus et les repères dont nous disposons ne permettent pas vraiment d’affirmer qu’elle était consciente de produire une œuvre. Ce que l’on sait, c’est qu’elle fut toute sa vie au service des autres comme gouvernante d’enfants et que, parallèlement, elle a dédié sa vie à la photographie, sans le faire savoir, ni chercher à diffuser son travail. Mais sa ferveur et son acharnement font qu’elle laisse une œuvre composée de 100.000 négatifs, de films super 8 et 16 mm ainsi que de nombreux documents, et des pellicules qui n’ont pas encore été développées.
De 1956 aux années 2000, Vivian Maier va inlassablement photographier. Ressentait-elle le besoin de sauvegarder la mémoire de ce qui l’entourait, de son époque ? Ou la photographie était-elle pour elle un moyen d’expression qui convenait à son tempérament solitaire ? En tout cas, preuve qu’il s’agissait bien plus d’un loisir, elle va, au cours des cinq décennies de sa pratique photographique, passer du noir et blanc à la couleur et d’un modeste Kodak Brownie à un Rolleiflex dès 1952, puis à un Leica. Entre temps, son style change. Si, au départ, elle capte la vie de la rue en noir et blanc dans une inspiration que l’on peut qualifier d’humaniste, lorsqu’elle passe à la couleur, elle se focalise sur des détails, se révélant dans des compositions qui prouvent l’acuité de son regard.
Reflet des différentes thématiques abordées par Vivian Maier tout au long de sa pratique, l’exposition débute avec sa vision du monde de l’enfance, puis la salle suivante fait la part belle aux portraits, et aux autoportraits qui constituent un des axes majeurs de son œuvre. Place ensuite à la street photography et à une sélection d’images graphiques qui démontrent que Vivian Maier attachait une égale importance à la forme et au sujet. L’exposition se termine par des images en couleurs qui ne laissent aucun doute sur la poésie de son regard. Réussie, elle vaut le détour, autant pour l’œuvre de Vivian Maier que pour la qualité de la scénographie, qui permet de mieux cerner la photographe, à défaut de comprendre la femme qui, elle, demeure mystérieuse, sans doute pour toujours.
Sophie Bernard
Sophie Bernard est journaliste spécialisée en photographie basée à Paris et a été rédactrice en chef du magazine Images durant 12 ans.
Exposition
Vivian Maier, Chroniques américaines
Jusqu’au 19 février 2017
Campredon Centre d’art
20, rue du Docteur Tallet
84800 L’Isle-sur-la-Sorgue
Livres
Vivian Maier, Street photographer – Ed. Powerhouse
Vivian Maier, Self portraits – Ed. Powerhouse