Apparemment pour ses photos de nus, Berquet choisit des femmes “classiques” dans leur beauté. On pourrait donc penser que tout recommence, en postulant que l’éros – depuis le premier film pornographique de l’histoire du cinéma teinté de bleu comme pour en atténuer la charge – ne cessait de se reproduire à l’identique. Or il n’en est rien : Berquet met à nu le concept du nu à travers modèles et objets fétiches. Il ne cherche pas à faire des trucs bizarres en se répétant « Art must be beautiful ». Il le crée en travaillant comme femme de chambre dans un hôtel venue pour photographier les traces de passage de clientes ou les surprendre dans leur plus simple appareil.
Dès lors Berquet est à Eros ce que les Ramones sont aux Voix Bulgares. Mais la perfection des prises fait penser à du Mozart. Le photographe met la pédale douce aux effets, trucs et astuces qui essayent de sauver les meubles (si l’on peut dire) de la sexualité. Son œuvre est un peu l’hymen de Sophie Calle et Chris Burden qui seraient tombés amoureux l’un de l’autre. Mais au lieu d’injecter de l’art dans le quotidien, il place le second en premier selon des dispositifs très précis. Une femme glisse sur le sol, des talons hauts s’érigent mais loin du mode “performance”. La grande repose sur une idée particulière du rêve : celui où il y a danger. La photographie devient la dévorante, non par son âme, mais par ses songes périlleux.
Jean-Paul Gavard-Perret
Jean-Paul Gavard-Perret est un poète, critique et maître de conférences en communication à l´Université de Savoie, en France.