A sixties legend : Harry Benson, on the road with the Beatles
Les éditions Taschen publient : The Beatles on the road 1964-1966 ou l’irrésistible ascension d’un groupe de rock venu de Liverpool. Un récit en images, celles de Harry Benson qui fut embarqué presque par hasard dans cette aventure délirante vécue par quatre garçons à la conquête du monde.
Les photos de Harry Benson, plus que toute littérature, racontent cette ivresse adolescente. Feuilleter ce grand livre, c’est plonger dans sa propre jeunesse, un univers de rires, de joie, d’insouciance et de liberté. Comme toutes les belles histoires, celle des Beatles aura une fin: la séparation du groupe …. l’assassinat de John Lennon. Harry Benson, lui, était déjà ailleurs, sur d’autres terrains. Mais il sait qu’il a vécu deux années exceptionnelles aux côtés d’un quatuor magique qui a marqué l’histoire.
Harry Benson, né à Glasgow, a débuté sa carrière au Hamilton Advertiser avant de s’installer à Fleet Street, le quartier londonien de la presse, où il travaille pour le Daily Sketch et le Daily Express. Après avoir suivi les Beatles aux États-Unis en 1964, il s’établit à New York. Il a été sous contrat avec les magazines Life, Vanity Fair et People. Il a photographié tous les présidents américains depuis Eisenhower, été le témoin du mouvement pour les droits civiques et de l’assassinat de Robert Kennedy. Après les Beatles, il a photographié certaines des plus importantes personnalités de ces 50 dernières années, de Michael Jackson à Liz Taylor en passant par sa gracieuse majesté Élisabeth qui l’a fait commandeur de l’Ordre de l’Empire Britannique.
De la célèbre bataille de polochons à l’hôtel Georges V aux foules féminines hystériques, des studios de TV aux backstages, l’appareil de Benson enregistre tout. C’est cela que vous retrouvez dans ce superbe livre d’images en noir et blanc. Pour fans et nostalgiques.
Dans cette interview, réalisée à l’occasion de la sortie de ce livre, le photographe précise des points d’histoire, et complète ce retour au merveilleux temps de Paul, John, Georges et Ringo, quatre garçons dans le vent.
Paul Alessandrini
Paul Alessandrini. A l’époque où on vous a demandé de suivre les Beatles, étiez-vous déjà un fan de musique pop ?Harry Benson. J’avais déjà entendu leur musique, mais à l’époque j’étais un fan de Frank Sinatra et Ella Fitzgerald. Mais quand je les ai entendu jouer pour la première fois à Paris, j’ai su que je faisais le bon reportage. Un journaliste de Manchester, Derek Taylor, les connaissait bien, et le fait qu’il m’accompagne m’a permis de me rapprocher plus facilement des Beatles. Et l’intimité est ce que je recherche – toujours.
P.A. Avez-vous été surpris de découvrir l’hystérie qui se déclenchait à chaque fois que les Beatles apparaissaient quelque part ?
H.B. Eh bien, tout se passait si vite. Nous étions tous jeunes et les Beatles ne s’attendaient pas à ce que leur popularité dure plus de 18 mois. Ils se demandaient ce qu’ils feraient une fois que cette hystérie serait retombée. Personne ne savait à cette époque qu’ils seraient les musiciens et compositeurs les plus importants du vingtième siècle.
P.A. Est-ce que certaines photos (comme la bataille de polochons) ont été arrangées, ou aviez-vous juste la chance d’être là au bon moment ?
H.B. La bataille de polochons était une photographie spontanée. Il était à peu près deux heures du matin après un concert à l’Olympia de Paris en janvier 1964. Les Beatles avaient beaucoup d’énergie à dépenser après leur performance, et ils ne pouvaient pas sortir sinon ils auraient été assaillis par la foule. Nous étions assis ensemble à boire et à discuter. Leur manager, Brian Epstein, a fait irruption dans leur suite à l’hôtel George V pour leur dire que « I Want to Hold Your Hand » était numéro un des ventes aux États-Unis, ce qui voulait dire qu’ils allaient se rendre là-bas pour participer au Ed Sullivan Show. Cela voulait également dire que je les y accompagnais, et j’étais très content. L’Amérique m’avait toujours fasciné. Depuis que, tout gosse à Glasgow, j’avais vu les films de gangsters avec James Cagney, je savais que c’était là-bas que je voulais être. Les Beatles étaient très excités à l’idée d’être en tête des ventes. Je les avais parler d’une bataille de polochons à laquelle ils s’étaient livrés quelques nuits auparavant, aussi leur suggérai-je d’en refaire une. Je pensais que ça ferait une bonne photo. Au début, ils étaient d’accord, mais ensuite John a dit que ça leur donnerait l’air idiot, et l’idée fit long feu. Un moment après, John se glissa derrière Paul et le tapa sur la tête avec un oreiller, renversant le verre de Paul, Ringo et George s’en mêlèrent et c’était parti.
P.A. Est-ce que les Beatles aimaient être photographiés ? Comment réagissaient-ils à votre présence ? Quelle était la réaction de chacun d’eux à l’idée d’être suivi et photographié en permanence ?
H.B. Les Beatles posaient pour n’importe quel photographe et journal légitimes durant nos voyages. Ils tenaient aussi des conférences de presse avec les journaux des universités locales dans de nombreuses villes par lesquelles nous passions. Brian Epstein connaissait l’importance de la publicité et ne s’y est jamais opposé. Mais à la fin de la première tournée américaine, les Beatles commençaient d’être un peu fatigués par le fait d’avoir à jouer en live tous les soirs.
P.A. Est-il arrivé qu’ils aient été effrayé par votre appareil ? Ou timides ? Ou énervés ?
H.B. Non, non, pas du tout. Rien de tout cela. Vous pouvez dire rien qu’en regardant les photographies qu’ils étaient complètement à l’aise avec le fait que je les photographie.
P.A. Aviez-vous une idée à cette époque de l’importance de ce que vous étiez en train de faire ?
H.B. Je ne pense pas que quiconque savait au tout début que les Beatles allaient changer la culture du monde entier, mais c’est devenu évident au fur et à mesure que la lame de fond gagnait en ampleur, et que tous les gens, quels que soient leurs métiers, leurs âges ou leurs vies se mettaient à écouter leur musique et à se coiffer comme eux, à porter les mêmes habits, ou à copier leurs attitudes. C’était principalement dû à la qualité de leur musique, mais peut-être cela s’expliquait-il aussi par le fait que le monde avait connu de grands remous avec les protestations contre la guerre du Vietnam, et les Beatles constituaient une forme d’échappatoire à tout cela.
P.A. Pensez-vous que leur image (et en particulier vos images) ait joué un rôle important dans la carrière des Beatles et leur célébrité ?
H.B. Je n’ai pas de réponse à cette question, même si sans publicité il est difficile pour un groupe de se faire connaître. Enfin, c’était quand même grâce à leur musique, qui est toujours fantastique. Nous parlons peut-être des meilleurs compositeurs du siècle dernier.
P.A. Cela vous a-t-il aidé dans votre carrière de photographe ? Dans quel sens ?
H.B. Je pense que mes photographies des Beatles ont eu un grand impact sur ma carrière parce qu’elles m’ont emmené en Amérique, où je suis resté.
P.A. Quand avez-vous cessé de les suivre ? Et pourquoi ?
H.B. J’étais avec eux à Paris, Amsterdam, Copenhague, et pendant leur première et leur troisième tournées américaines à New York, Washington, Miami, Chicago, Boston, et plusieurs autres villes et pendant le tournage du film « A Hard Day’s Night ». Mais j’étais un photojournaliste et j’ai aussi couvert les marches pour les droits civils avec Martin Luther King Jr., les émeutes raciales partout en Amérique, photographié onze présidents américains de Eisenhower à Obama, de nombreux acteurs de cinéma et plusieurs guerres. Je me tenais à côté du sénateur Robert Kennedy quand il a été abattu et j’ai pu immortaliser cette horrible nuit. Donc je n’étais pas un photographe de rock’n’roll et j’ai photographié les Beatles comme l’actualité qu’ils représentaient. Les Beatles étaient de l’information. Ils étaient un phénomène.
P.A. Êtes-vous toujours en relation avec Paul et Ringo ?
H.B. J’ai photographié Paul en tournée avec les Wings, avec sa femme Linda et leurs enfants quand ils étaient plus jeunes. Depuis, j’ai souvent rencontré Paul par hasard au fil du temps et nous nous arrêtons toujours dans ces cas-là pour discuter quelques minutes. Ce sont des circonstances très amicales, en raison du bon vieux temps, mais ça s’arrête là. Je n’ai jamais revu Ringo depuis la fin des années 60. Je n’ai jamais volontairement pris contact avec une célébrité, si ce n’est pour la photographier.
P.A. Est-ce que vous pensez qu’il existe une catégorie comme « photographe de rock » ? Qui mettriez-vous dans cette catégorie et lesquels ont vos faveurs ?
H.B. Non, je ne pense pas qu’il existe une catégorie de cette sorte. Je pense que la photographie est la photographie, quoi que vous photographiez. Pour moi, c’est un travail solitaire donc je ne connais pas vraiment de photographes de rock. Beaucoup de ces photographes de rock sont justes des garçons et des filles qui veulent pouvoir traîner avec de stars du rock. Je ne veux pas traîner avec qui que ce soit, je veux photographier les gens.
P.A. Aujourd’hui, vous demande-t-on toujours de photographier des stars du rock ? Et qui ?
H.B. J’ai photographié Amy Winehouse à Londres il y a quelques années pour The New Yorker et je l’ai trouvé sympathique et aimable. La photo que j’ai prise d’elle est maintenant exposée dans un musée à Pékin. J’ai photographié le légendaire Iggy Pop en Floride il y a quelques mois pour le magazine Vice, et il était très amusant. Amy et Iggy étaient tous deux très professionnels et j’étais très content de les avoir photographiés.
Pour conclure, laissez-moi vous dire que photographier les Beatles a été un grand moment d’amusement dans ma vie et que les Beatles restent importants en premier lieu pour la qualité de leur musique.
Propos recueillis par Paul Alessandrini
Harry Benson. The Beatles
Édition collector limitée à 1764 exemplaires numérotés, signés par le photographe.
Également disponible en deux éditions de luxe de 100 exemplaires chacune, accompagnées d’un tirage argentique.
Hardcover in clamshell box, 31.2 x 44 cm (12.3 x 17.3 in.), 272 pages EUR 500.00 ISBN 978-3-8365-3315-7 (02/2012 Allemand, Anglais, Français)