Guillaume Geneste, est un tireur de photographies, fondateur du laboratoire La Chambre Noire, un lieu intime et suranné dans le 11e arrondissement à Paris. Il tire régulièrement les images de Bernard Plossu, Jacques-Henri Lartigue, Denis Roche, Pierre De Fenoyl, Martine Franck, K. Sluban et bien d’autres, le plus souvent pour des expositions dans les hauts lieux de la capitale. Il est aussi photographe à ses heures perdues. Des images elle aussi imprégnées d’intimité.
Photographier est pour moi un acte amoureux intimement lié à ma rencontre avec Colette en 1991 et un comportement face au temps qui passe. Je photographie par envie et besoin en choisissant les moments dont je veux garder le souvenir, prenant les images de notre vie à bout de bras avec un appareil photo amateur autofocus qui tient dans le creux de ma main. Ne pouvant regarder à travers le viseur, je cadre bien souvent avec le sentiment incertain de découper l’espace au bon endroit. Sûr du moment je le suis moins de l’instant : il me faut alors prendre plusieurs clichés de la même scène. Le fait de cadrer sans regarder et de ne jamais décider de là où la mise au point sera faite font du hasard une des constantes les plus magiques de la photographie. Le hasard se mêlant au désir et au plaisir du moment dont il faut garder la trace.
La photographie est certainement l’art dont on peut dire le plus qu’il se tente. La brièveté de la prise rendant l’immédiate répétition de l’acte photographique toujours possible plonge souvent le photographe dans le doute et l’incertitude quant à l’image obtenue. Tenter à nouveau, toujours et encore. Le doute ne partira qu’une fois le film développé, face aux instants saisis réussis. Regarder mes planches de contact me procure alors un sentiment de redécouverte totale du moment vécu et je vois à ce moment-là très précisément ce que j’avais plus perçu que réellement vu.
Chaque photographie réussie est une vraie victoire sur le temps qui passe, et je ne trouve de prolongation à l’apaisement éprouvé que dans la prise répétée, ce nécessaire recommencement. C’est ainsi que depuis vingt-cinq ans, je nous photographie avec la même approche, et si j’ai cru à un moment que ces contraintes allaient me restreindre, l’arrivée des enfants en a fait exploser le cadre. Chloé et Gabriel ont toujours accepté l’appareil de photographie, oubliant même parfois sa présence, mais voulant assurément être dans le champ photographié à nos côtés.
L’appareil de photographie, ce complice de l’amour toujours dans ma poche, me permet de constituer un ensemble d’images qui mises bout à bout ressemble plus avec le temps, à un film qu’à un album de photographies de famille. Une seule règle : être sur toutes les photos avec ceux que j’aime.
Guillaume Geneste
Guillaume Geneste, L’ordre des photos
Publié par les éditions Filigranes
22€