A Agon-Coutainville, petite commune du Cotentin de trois mille habitants, la photographie se fait une jolie place. Sous l’impulsion de la nouvelle adjointe à la culture, Emmanuelle Polle, des tirages grand format sont exposés dans l’espace public, à l’année. « Un des thèmes de campagne était de faire de notre digue-promenade, longue de presque trois kilomètres, une galerie à ciel ouvert », souligne-t-elle. L’idée n’est pas novatrice mais la proximité de la mer, la déambulation naturelle et par tous les temps, la taille et la qualité des cadres conçus sur mesure en acier peints, font que chaque photo est créditée d’une attention rare.
Des autochromes en plein air
Inauguré l’été dernier avec les photographies signées de l’architecte et designer Marc Held prises alors qu’il était professeur de gymnastique sur cette plage, dans les années 1950, ce principe d’exposition en plein air se poursuit cette année avec un « bain de couleurs ». « Nous ne voulions pas rester sur le noir et blanc ni sur une histoire locale. Nous sommes partis sur tout autre chose, des photos couleur sans rapport avec la commune », poursuit Emmanuelle Polle.
C’est en furetant sur le site des archives de la Manche qu’est apparu le nom de Gustave Gain, photographe normand né à Cherbourg. Près de cinq cents autochromes de Gustave Gain ont été conservés. Des paysages, des couchers de soleil, des voyages et beaucoup de portraits de famille où sa femme Adeline pose au gré de sa garde robe colorée. Adeline en maillot de bain vert, Adeline en robe blanche et écharpe jaune citron sur les dunes, Adeline et sa capeline fleurie ou son pantalon « turc », turquoise. Magnifique. L’attrait de la couleur chez Gustave Gain se conjugue avec celui de la recherche photographique même s’il n’en fera jamais son métier, réservant à la photographie une pratique amateur plusieurs fois reconnue de la Société française de photographie.
Une étude scientifique de la couleur
Gustave Gain (1876-1945) était un scientifique. Après des études de chimie, il devient enseignant-chercheur au Muséum national d’histoire naturelle et c’est en scientifique qu’il pratique ses essais sur la couleur. Née en 1907 sous l’impulsion des frères Lumière, la photographie couleur est une pratique d’exception à l’époque des premiers essais de Gustave Gain (ses autochromes les plus anciens datent de 1909). S’il y une expérimentation évidente sur la recherche de la couleur, sur l’art de composer une image autour d’un élément coloré, la force des autochromes de Gustave Gain restent dans la modernité de leur cadrage. « Je ne suis pas photographe, mais si je sais voir, je le dois à Gustave », racontait son neveu, le cinéaste Jean Rouch né en 1917.
Il y a de la douceur dans ces photographies. Une palette de fleurs fanées. Un pointillisme accentué par les agrandissements exposés à Agon-Coutainville. Il y a le début d’une histoire, celle de la photographie couleur, celle d’une famille qui va, entre les fils et le neveu, perpétuer un geste. Il y a sans conteste un plaisir certain à entrer dans ces images centenaires, dos à la mer de la Manche.
Première édition des Rencontres Photographiques d’Agon-Coutainville
Du 7 juillet au 30 septembre 2017
Agon-Coutainville, France