Notre édition du jour est entièrement consacrée à Jean-Marie Périer. Voici la deuxième partie qui revient sur les années 1950 du photographe français.
Daniel Filipacchi m’engagea en trois minutes et changea mon existence pour toujours. Lorsque je le rencontrai, il faisait des photos de mode pour Marie-Claire, mais je compris vite qu’il était moins attaché aux robes qu’à ce qu’il y avait dedans. S’il avait un succès incroyable auprès des femmes, Daniel était surtout un passionné de jazz.
(Photo No 1)
Il avait déjà son journal avec son ami Frank Tenot, Jazz magazine.
(Photo No 2)
Je ne pouvais savoir que cet homme allait être la deuxième chance de ma vie. Il m’adopta à son tour et me traita désormais comme un membre de sa famille.
(Photo No 3, ma pomme avec sa femme Sandra)
Au studio Marie-Claire, il y avait aussi un homme merveilleux qui s’occupait de l’intendance, un photographe auquel les gens ne prêtaient guère attention. Il s’appelait Maurice Tabart. Dans le fond du studio il s’était fabriqué un petit laboratoire et le soir il rangeait et remettait de l’ordre sur les plateaux. J’en connais plus d’un qui ne lui accordaient aucune attention lorsqu’ils passaient au studio Marie-Claire et qui après sa mort vanteront son talent en achetant ses photos à prix d’or. Si Daniel m’apprit la vie, Tabart m’inculqua tout ce que je sais de la photographie. J’aimerais le remercier aujourd’hui.
(Photo No 4)
Très vite, Daniel m’envoya en tournée faire des photos de musicien de jazz. Pour m’accorder cette confiance il fallait de l’imagination, surtout quand on voit ma tronche à l’époque.
(Photo No 5)
Ainsi, alors que je venais de fermer mon piano pour toujours, je me retrouvai à cinq centimètres des plus grands musiciens du monde.
(Portfolio Jazz)
Et puis il y avait la vie trépidante du 51 rue Pierre Charron, à Paris, l’immeuble du groupe de Jean Prouvost. Les photographes de Paris-Match étaient alors les rois du monde. Ils allaient dans les guerres, sautaient des princesses et roulaient en Ferrari.
(Photo No 6)
Les bureaux du journal étaient empreints d’une nervosité constante, Je revois les journalistes qui jouaient aux cartes en attendant de partir sur un scoop, et le silence tout à coup lorsqu’arrivait Prouvost pour une de ces réunions urgentes avec Roger Thérond, Walter Carone, Hervé Mille, Gaston Bonheur, et j’en oublie. À l’étage du dessus, il y avait les bureaux de Marie-Claire. Je passais d’un étage à l’autre en courant avec Daniel. En haut, l’atmosphère était feutrée, avec des dames calmes et élégantes un peu rudoyées par l’humour du directeur artistique Régis Pagniez. Je me souviens surtout de la gentillesse immédiate de Claude et Jean Demachy à mon égard.
(Photo No 7)
Et enfin en bas dans les sous-sols, les laborantins aux doigts jaunis par les produits qui ne sortaient que pour déjeuner à la pizzeria dans la cour. J’ai eu la chance extraordinaire de connaître cette période à jamais révolue des journaux faits « à la main », par des gens passionnés par un métier qui ne les empêchait pas de rire de tout.
Jean-Marie Périer