Le voyage est souvent à l’origine du travail photographique de Jacques Borgetto, photographe et voyageur “au long cours”, dont la manière de procéder s’apparente à celle des explorateurs. Motivé d’abord par le désir de retracer le parcours de ses grands oncles italiens émigrés en Amérique latine, Jacques Borgetto n’a plus arrêté, depuis, de partir à la découverte de régions dont il s’est attaché à rendre compte de l’évolution au fil des années. Cela, en Argentine, au Chili, au Japon, au Tibet, en allant au-delà du voyage intérieur pour focaliser son attention sur les autres dont il cherche à comprendre et à intégrer la culture.
Jacques Borgetto, avec son travail qui se construit pays par pays, crée son propre atlas. Tout en s’appuyant sur les genres classiques du portrait et du paysage, il pose un regard nouveau sur des contrées et des civilisations méconnues et il arrive à en livrer une vision intime. Les images, résultantes de ses rencontres, magnifient les lieux visités, leurs paysages, leur patrimoine et leur culture, sans pour autant vouloir occulter les tensions du contexte économique et politique.
Dans le Tibet de Borgetto qui, le plus souvent, choisit de travailler en noir et blanc, pour des images à la matière sensible, charbonneuses et contrastées, mystérieuses et à la fois denses d’informations, la couleur intervient depuis peu et surtout dans les paysages photographiés au printemps, comme pour souligner la douceur des prairies, des collines, la luminosité du ciel et l’harmonie des architectures. Son noir et blanc semble vouloir exprimer la forte spiritualité du Tibet et, en même temps, la nostalgie pour un monde qui risque, au moins en apparence, de s’effacer lentement sous les contraintes.
Ainsi au Tibet, dont Jacques Borgetto montre la sérénité, le quotidien et le spirituel, les traditions persistantes et la modernité approchant, mais où l’immensité du ciel, si présente dans ses images, semble évoquer la question du territoire nié, telle une forme de résistance céleste.
Dans le sillage de Georges Bataille qui en 1947 parlait du « mystère du Tibet » et comme il est souvent le cas pour nous Occidentaux, le Tibet représentait pour Jacques Borgetto depuis toujours un grand mystère et exerçait une grande attirance, sentiments nourris ensuite par ses nombreuses lectures. Mais il semble également traduire la puissance de la pensée bouddhiste, pensée faite réalité, identifiée et identifiable en un pays qui, même si otage de la Chine, seul semble résister à la violence, aux turbulences et à la globalisation qui régissent le reste du monde.
Laura Serani
Laura Serani est une auteure et commissaire d’exposition indépendante qui à vit et travaille à Paris, France.
Jacques Borgetto, Si près du ciel, le Tibet
Du 5 avril au 27 mai 2017
Espace photographique de Sauroy
58 rue Charlot – 75003 Paris
France