Le Tibet tient une place particulière dans le parcours et dans l’œuvre de Gao Bo. C’est dans ce pays que l’artiste a fait ses premières photographies dans le milieu des années 80. Pour ce Chinois né en 1964 et qui a donc connu la révolution culturelle dans sa petite enfance et ses exécutions publiques, le Tibet est l’une des rares destinations de voyage possible. En 1985, la Chine est encore un pays très fermé : « J’avais une envie folle d’aller voir ailleurs, de quitter cette société où j’avais toujours vécu […] j’ai donc choisi le Tibet, parce que c’était l’endroit le plus lointain où je pouvais aller et parce que c’était ce qui ressemblait le plus pour moi à l’étranger », explique-t-il. Il est alors étudiant à l’Institut des beaux-arts de l’université de Tsinghua de Pékin.
De ses nombreux voyages qu’il effectue à partir de 1985 dans ce pays, il ramène des images noir et blanc. Au fur et à mesure des séjours, son regard sur ce pays et sa pratique photographique évoluent. Si dans un premier temps sa vision est celle d’un reporter empreint d’humanisme, elle bascule progressivement vers une démarche plasticienne à partir de portraits d’inspiration ethnographique.
Parallèlement à la rétrospective qui se tient à la Maison Européenne de la Photographie, les éditions Xavier Barral réunissent dans un ouvrage les images réalisées entre 1985 et 1995 que l’artiste a retravaillées dix ans après la prise de vue. Entre temps, Gao Bo ne conçoit plus la photographie de manière traditionnelle et ses tirages deviennent un matériau sur lequel il intervient en les recouvrant de son propre sang ou en les assemblant en diptyques ou en triptyques. Des gestes qui s’apparentent à la fois à un hommage au peuple tibétain, des offrandes, comme le rappelle le titre.
La couverture en toile rugueuse et l’écriture manuscrite rouge donnent le ton de l’ouvrage. Dès la prise en main, la densité du livre se fait sentir par son poids et le format relativement modeste. Mais ce qui aurait pu être un inconvénient étant donné la nature des œuvres formées d’assemblages d’images se révèle un atout parce que l’éditeur en a joué, alternant les doubles pages avec des petits formats avec du blanc tournant et des photographies pleine page. Un livre fort et intense.
Sophie Bernard
Gao Bo, Tibet 1985-1995. Offrandes
Publié aux Éditions Xavier Barral
45 euros
http://exb.fr/fr/