Lancé cette année, le Swiss Photomonth se présente comme une initiative de grande envergure visant à valoriser la richesse de la scène photographique suisse.
Organisé par l’association Spectrum – Photography in Switzerland, le Mois suisse de la photographie, qui se déroule de la fin août à début octobre, rassemble près de soixante lieux culturels à travers le pays. Partant du constat que de nombreux événements photographiques se tiennent à la fin de l’été, cette initiative a pour but d’accroître la visibilité et la fréquentation de ces espaces et manifestations à l’échelle nationale.
Des institutions mondialement reconnues aux espaces émergents, la programmation éclectique permet au public de découvrir des figures majeures de la photographie, suisses et internationales, tout en apportant une visibilité aux jeunes talents dans le paysage artistique contemporain.
Bien que cette première édition touche à sa fin, plusieurs expositions majeures restent à découvrir, certaines se prolongeant même jusqu’en janvier 2025.
Parmi les événements incontournables, l’exposition « Małgorzata Stankiewicz », actuellement présentée à la Fondation Louis Moret à Martigny (canton du Valais), aborde de façon poignante les enjeux environnementaux, en particulier la destruction de la forêt de Białowieża, l’une des dernières forêts primaires d’Europe. Avec sa série Cry of an Echo, l’artiste suisse d’origine polonaise utilise des techniques photographiques expérimentales pour magnifier la fragilité des paysages naturels face à l’exploitation humaine. Małgorzata Stankiewicz combine des procédés analogiques, tels que l’utilisation de films argentiques, et explore des méthodes de tirage alternatives, intégrant des manipulations chimiques qui évoquent de manière incisive la dégradation progressive des écosystèmes. Ses photographies, oscillant entre abstraction et réalité, traduisent une poésie visuelle qui interroge notre relation à la nature et les effets de l’intervention humaine. L’exposition se poursuit jusqu’au 3 novembre 2024.
À la galerie Focale à Nyon, la série « Maison de Dieu » d’Elsa Beaumont, visible jusqu’au 10 novembre 2024, plonge le visiteur dans l’univers liminal d’une communauté nichée dans les Cévennes. Depuis près de quarante ans, cet espace accueille des individus de tous horizons en quête de refuge et de répit. Fondé sur des principes d’accueil inconditionnel, de non-jugement et de solidarité, il abrite environ quatre-vingts résidents qui, malgré les épreuves, partagent un quotidien commun. Les photographies d’Elsa Beaumont, influencées par sa propre installation dans les Cévennes il y a une décennie, montrent avec une grande sensibilité l’intimité de ces vies, marquées par des blessures et des parcours atypiques. À travers une approche poétique et documentaire, elle sonde la profondeur de ces existences en suspension, où la nature environnante, indomptable et omniprésente, dialogue subtilement avec les corps et les esprits. Maison de Dieu laisse entrevoir une humanité à la fois fragile et résiliente, et invite à réfléchir aux tensions et aux espoirs qui traversent aussi bien cette communauté que notre société.
Au Centre de la Photographie Genève (CPG), l’exposition « Palonegro » de l’artiste colombien Luis Carlos Tovar, présentée jusqu’au 8 décembre 2024, explore un chapitre méconnu de l’histoire colombienne : la guerre des Mille Jours (1899-1902), et plus particulièrement la bataille meurtrière de Palonegro (11-25 mai 1900). Fruit de plusieurs années de recherche entre la Colombie et la Suisse, ce projet réunit des archives peu connues provenant de diverses sources, dont la Croix-Rouge, la Bibliothèque de Genève et des dossiers militaires déclassés du ministère de la Guerre colombien. En qualifiant ces archives photographiques de « corps à guérir », Luis Carlos Tovar propose une nouvelle lecture de ces images, les inscrivant dans un processus de guérison des mémoires individuelles et collectives En retraçant cette période tragique de l’histoire colombienne, l’artiste questionne la manière dont les traumatismes historiques peuvent être revisités et, potentiellement, réparés. « Palonegro » dépasse le cadre de la simple documentation pour devenir un espace de réflexion sur la violence historique et la réconciliation des blessures d’un pays marqué par des décennies de conflits.
Toujours à Genève, l’exposition « Grand Tour », à la Bibliothèque de Genève jusqu’au 25 janvier 2025, retrace les prémices du tourisme moderne dans les Alpes, un phénomène qui, dès ses débuts, a commencé à modeler et à commercialiser la perception de ces paysages spectaculaires. Les photographies historiques révèlent des scènes variées : des monuments, des villes, mais aussi des moments où les premiers touristes s’aventurent dans les montagnes et glaciers alpins. Ce « Grand Tour » témoigne de l’évolution des interactions entre culture et nature, incitant à réfléchir sur la manière dont le tourisme naissant a durablement transformé notre regard sur ces environnements autrefois perçus comme sauvages.
Enfin, le MASI Lugano consacre une rétrospective à Luigi Ghirri avec l’exposition « Viaggi: Photographies 1970-1991 », qui se poursuit jusqu’au 26 janvier 2025. Le musée rend hommage au photographe italien, trente ans après sa disparition prématurée. Considéré comme l’une des grandes figures de la photographie européenne du XXe siècle, Ghirri a révolutionné l’usage de la couleur à une époque où elle était encore largement réservée aux usages commerciaux. L’exposition s’intéresse à ses pérégrinations à travers des paysages ordinaires, qu’ils soient réels ou imaginaires. Elle présente environ 140 photographies en couleur, dont de nombreux tirages vintage, issus des collections des héritiers de Ghirri et du CSAC de Parme.
Portée par une première programmation ambitieuse, le Swiss Photomonth s’impose déjà comme un rendez-vous incontournable du calendrier culturel suisse. La seconde édition est attendue pour fin août 2025.
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